Les juges du fond apprécient souverainement, sauf dénaturation, le respect, par une société exerçant des activités de surveillance à distance des biens, de son obligation, prévue à l’article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure (CSI), de lever le doute avant de solliciter les forces de l’ordre.

CE, 5-6 chr, Société Euro protection surveillance 31 déc. 2019, n° 419311, Lebon T

Continuer à lire … « Les juges du fond apprécient souverainement, sauf dénaturation, le respect, par une société exerçant des activités de surveillance à distance des biens, de son obligation, prévue à l’article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure (CSI), de lever le doute avant de solliciter les forces de l’ordre. »

Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation de travaux sur un monument historique classé, il revient à l’autorité administrative d’apprécier le projet non au regard de l’état de l’immeuble à la date de son classement, mais au regard de l’intérêt public, au point de vue de l’histoire ou de l’art, qui justifie cette mesure de conservation.

CE, 1re et 4e ch. réunies, 5 oct. 2018, n° 410590, Lebon

Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation au titre du premier alinéa de l’article L. 621-9 du code du patrimoine, il revient à l’autorité administrative d’apprécier le projet qui lui est soumis, non au regard de l’état de l’immeuble à la date de son classement, mais au regard de l’intérêt public, au point de vue de l’histoire ou de l’art, qui justifie cette mesure de conservation.

Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur l’intérêt d’art et d’histoire justifiant le classement.

En revanche, les juges du fond apprécient souverainement, sauf dénaturation, l’atteinte portée à cet intérêt par un projet.

Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur l’intérêt d’art et d’histoire qui justifie le classement d’un immeuble au titre des monuments historiques.

Les juges du fond apprécient souverainement, sauf dénaturation, l’atteinte portée par un projet à l’intérêt d’art et d’histoire qui justifie le classement d’un immeuble au titre des monuments historiques. Continuer à lire … « Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation de travaux sur un monument historique classé, il revient à l’autorité administrative d’apprécier le projet non au regard de l’état de l’immeuble à la date de son classement, mais au regard de l’intérêt public, au point de vue de l’histoire ou de l’art, qui justifie cette mesure de conservation. »

Le juge du fond apprécie souverainement, dans le cadre d’un contrôle complet, les choix opérés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), au regard des critères légaux d’octroi des autorisation d’émettre, entre les projets qui lui sont soumis dans le cadre d’un appel aux candidatures.

CE, 5e et 6e ch. réunies, 22 févr. 2018, n° 408410, Lebon T.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 408410
ECLI:FR:CECHR:2018:408410.20180222
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5e et 6e chambres réunies
M. Alain Seban, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats

Lecture du jeudi 22 février 2018REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L’Association sportive culturelle chrétienne audiovisuelle (ASCCA) a demandé à la cour administrative d’appel de Paris d’annuler la décision du 2 juin 2015 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature pour l’édition d’un service privé de télévision généraliste à caractère local diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique dans le département de la Martinique, ensemble l’autorisation délivrée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel à la société Média H Antilles Guyane. Par un arrêt n° 15PA03478 du 21 novembre 2016, la cour a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 27 février et 29 mai et 21 juillet 2017, l’Association sportive culturelle chrétienne audiovisuelle demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l’audiovisuel une somme de 6 000 euros à verser à son avocat au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

 – l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

 – la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques ;

 – la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – le rapport de M. Alain Seban, conseiller d’Etat,

 – les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l’Association sportive culturelle chrétienne audiovisuelle et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 28 mai 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a lancé un appel aux candidatures en vue de l’exploitation d’un service privé de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique, sur une fréquence alors utilisée par la société HRTV dont l’autorisation arrivait à expiration ; que, statuant lors de sa séance du 6 mai 2015, le CSA a délivré une autorisation à la société Média H Antilles Guyane, venue aux droits de la société HRTV, et rejeté la candidature présentée par l’Association sportive culturelle chrétienne audiovisuelle ; que cette association a demandé à la cour administrative d’appel de Paris d’annuler l’autorisation et le refus qui lui avait été opposé ; qu’elle a, à l’appui de sa requête, soulevé une question prioritaire de constitutionnalité visant le III de l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; qu’elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 21 novembre 2016 par lequel la cour a refusé de transmettre cette question au Conseil d’Etat et rejeté sa requête ;

Sur le refus des juges du fond de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l’association requérante :

2. Considérant que les dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 prévoient que, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’Etat est saisie de moyens contestant la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d’Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu’elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

3. Considérant que l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 fixe les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel autorise l’usage de ressources radio-électriques pour la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique ; qu’aux termes du III de cet article, le conseil supérieur  » procède à une audition publique des candidats «  ; que, devant la cour administrative d’appel, l’association requérante a soutenu que cette disposition méconnaît les droits et libertés garantis par la Constitution ;

4. Considérant que la publicité des auditions des candidats à l’attribution d’une ressource radioélectrique par le CSA, prévue par le législateur, a pour objet d’assurer la transparence de la procédure d’attribution ; que, compte tenu notamment du fait que le dossier de candidature n’est, en revanche, pas soumis à la même publicité, il n’est pas démontré que cette publicité serait susceptible d’entrer en conflit avec la volonté du candidat de protéger des informations relevant du secret des affaires, lequel n’est au demeurant pas garanti par les dispositions et principes de la Constitution, ou de porter atteinte à la liberté d’entreprendre ; qu’il n’est pas davantage démontré qu’il en résulterait quelque atteinte que ce soit à l’égalité entre les candidats ; qu’il suit de là que la cour administrative d’appel, dont l’arrêt est suffisamment motivé sur ce point, a pu, sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur de qualification juridique, refuser de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui était soumise ; que la circonstance que l’arrêt énonce que cette question  » ne présente pas un caractère sérieux « , alors qu’aux termes du 3° de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 la juridiction saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité la renvoie au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation à la condition, notamment, qu’elle ne soit  » pas dépourvue de caractère sérieux « , n’est pas de nature à justifier l’annulation de ce refus ;

Sur le non-respect par le CSA des dispositions de l’article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 :

5. Considérant qu’aux termes du 1er alinéa de l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 :  » Sous réserve des dispositions de l’article 26, l’usage de ressources radioélectriques pour la diffusion de tout service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique est autorisé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans les conditions prévues au présent article (…) «  ; qu’aux termes du 1er alinéa de l’article 28 :  » La délivrance des autorisations d’usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d’une convention passée entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel au nom de l’Etat et la personne qui demande l’autorisation (…) «  ; qu’aux termes du I de l’article 28-1 :  » I. – La durée des autorisations délivrées en application des articles 29, 29-1, 30, 30-1 et 30-2 ne peut excéder dix ans. Toutefois, pour les services de radio en mode analogique, elle ne peut excéder cinq ans. Ces autorisations sont délivrées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans un délai de huit mois à compter de la date de clôture de réception des déclarations de candidatures des éditeurs ou des distributeurs de services. (…) «  ;

6. Considérant que les dispositions de l’article 28-1 qui prescrivent au CSA de délivrer les autorisations d’émettre dans un délai de huit mois à compter de la clôture de l’appel aux candidatures ont été introduites par l’article 42 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 afin de transposer en droit interne l’article 7-4 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, qui a prévu un tel délai afin de favoriser un usage plus efficace de la ressource radioélectrique en évitant que des fréquences attribuables soient gelées pendant des durées excessives ; qu’il ne résulte ni des dispositions de la directive, ni des dispositions législatives qui les ont transposées, que le dépassement du délai de huit mois entraîne la caducité de la procédure de sélection, laquelle aurait pour conséquence de retarder encore l’attribution des fréquences ; qu’ainsi, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le délai de huit mois n’était pas  » imparti à peine de nullité «  ;

Sur la prise en compte par le CSA d’éléments extérieurs aux dossiers de candidature :

7. Considérant que l’association requérante a fait valoir devant les juges du fond que le CSA avait attendu, pour arrêter la liste des candidatures recevables, que soit connue l’issue d’une procédure concernant la société HRTV qui, déclarée en cessation de paiement et placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France du 23 avril 2013, avait fait l’objet d’une reprise par la société Média H Antilles Guyane, approuvée par le tribunal de commerce de Fort-de-France le 28 octobre 2014, après un avis favorable délivré par le CSA le 7 octobre 2014 ; qu’elle soutenait que l’instance de régulation avait ainsi statué au vu d’éléments relatifs à la société HRTV qui ne figuraient pas dans son dossier de candidature ; que, toutefois, il appartient au CSA, le cas échéant, de tenir compte de l’évolution de la situation juridique des personnes qui ont répondu à un appel aux candidatures ; qu’ainsi, la circonstance alléguée n’étant pas de nature à entacher d’illégalité les décisions attaquées, le moyen était inopérant ; que la cour administrative d’appel n’a, dès lors, pas entaché son arrêt d’irrégularité en ne répondant pas explicitement à ce moyen et n’a pas commis d’erreur de droit en s’abstenant de l’accueillir ; que, par ailleurs, l’arrêt attaqué a répondu de manière suffisante au moyen tiré de ce que le CSA, en raison des relations qu’il avait eues avec la société Média H Antilles Guyane pendant la période comprise entre la clôture de l’appel aux candidatures et l’approbation de la liste des candidatures jugées recevables, aurait méconnu le principe d’impartialité ;

Sur l’appréciation des projets au regard des critères d’octroi des autorisations :

8. Considérant qu’en jugeant que le CSA avait pu légalement estimer que le projet de l’association requérante contribuerait dans une moindre mesure à l’impératif prioritaire de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels et répondrait moins bien à l’intérêt du public que le projet de la société Média H Antilles Guyane, la cour administrative d’appel a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine qui, en l’absence de dénaturation, ne peut être discutée devant le juge de cassation ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’association requérante n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ;

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge du CSA qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de l’Association sportive culturelle chrétienne audiovisuelle est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’Association sportive culturelle chrétienne audiovisuelle, à la ministre de la culture et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Copie pour information en sera adressée au Premier ministre.

Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur la nature de la demande adressée par l’administration fiscale à une demande d’un contribuable, dont découle le caractère d’acte faisant grief de la réponse qu’elle lui a apporté.

CE, 3e – 8e ch. réunies, 20 févr. 2018, n° 413653, Lebon T.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 413653
ECLI:FR:CECHR:2018:413653.20180220
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3e – 8e chambres réunies
M. Sylvain Monteillet, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats

 

Lecture du mardi 20 février 2018REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

La communauté d’agglomération creilloise, devenue en cours d’instance la communauté d’agglomération Creil Sud Oise (Somme), a demandé au tribunal administratif d’Amiens, d’une part, d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite née le 14 mai 2012 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l’Oise aurait rejeté sa demande tendant à la réévaluation du montant de la compensation relais du produit théorique de la taxe professionnelle 2010 et, d’autre part, de lui enjoindre, sous astreinte, d’intégrer les rôles supplémentaires 2008 et 2009 de la taxe professionnelle dans le calcul de la compensation relais.

Par un jugement n° 1202287 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15DA00254 du 21 mai 2015, la cour administrative d’appel de Douai a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité, présentée par la communauté d’agglomération creilloise à l’appui de son appel dirigé contre ce jugement, et relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des I et II du 1.4 de l’article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances pour 2011.

Par un arrêt n° 15DA00253 du 15 juin 2017, la cour administrative d’appel de Douai a rejeté la requête d’appel de la communauté d’agglomération creilloise.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 août et 23 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la communauté d’agglomération Creil Sud Oise demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 15DA00253 du 15 juin 2017 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la cour administrative d’appel :

– a rendu son arrêt au terme d’une procédure irrégulière, en ce que l’information des parties relative à ce qu’était susceptible d’être soulevé d’office le moyen tiré de l’inexistence de la décision implicite du 14 mai 2012 était trop imprécise ;
– a dénaturé les pièces du dossier, commis une erreur de qualification juridique des faits et une erreur de droit en jugeant que la lettre du 13 mars 2012 qu’elle avait adressée à l’administration fiscale présentait, compte-tenu de ses termes et de la phase administrative dans laquelle elle s’insérait, le caractère d’une simple demande d’information ;
– s’est méprise sur le sens de ses écritures et a commis une erreur de droit en jugeant qu’étaient nouvelles en appel les conclusions tendant à l’actualisation de la compensation relais du produit théorique de la taxe professionnelle 2010 à hauteur de 352 322 euros et à la réduction par voie de conséquence des prélèvements opérés au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources.

Par un mémoire distinct, enregistré le 23 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la communauté d’agglomération Creil Sud Oise demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 15DA00254 du 21 mai 2015 ;

2°) de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel ;

3°) de surseoir à statuer sur son pourvoi jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé sur cette question prioritaire de constitutionnalité.

 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, notamment son article 78 ;
– la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, notamment son article 36 ;
– le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la communauté d’agglomération Creil Sud Oise (Somme) ;

 

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre ont reçu au titre de l’année 2010, en lieu et place de la taxe professionnelle, une compensation relais prévue par le II de l’article 1640 B du code général des impôts. L’article 78 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a institué, à compter de l’année 2011, une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et créé un fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). En vertu du 1 et du 2 de cet article, les montants de la DCRTP et des prélèvements et reversements au FNGIR sont déterminés en intégrant notamment le montant de la compensation du produit théorique de la taxe professionnelle 2010.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté de l’agglomération creilloise, devenue en cours d’instance la communauté d’agglomération Creil Sud Oise (Somme), a perçu, en 2010, une compensation relais en remplacement de la taxe professionnelle et a reçu une notification, en 2011, des montants de la DCRTP et du FNGIR qui la concernaient. Par courrier en date du 13 mars 2012, elle a demandé au directeur départemental des finances publiques de l’Oise de prendre en compte, dans le calcul de ces montants, les rôles supplémentaires de taxe professionnelle qui ont été émis depuis cette notification. Par un jugement du 11 décembre 2014, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande tendant, d’une part, à annuler la décision implicite née le 14 mai 2012 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l’Oise aurait rejeté sa demande et, d’autre part, à lui enjoindre, sous astreinte, d’intégrer les rôles supplémentaires des années 2008 et 2009 de la taxe professionnelle dans le calcul de la compensation relais. La communauté d’agglomération Creil Sud Oise se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 15 juin 2017 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre ce jugement. Elle conteste, par un mémoire distinct, l’arrêt du 21 mai 2015 par lequel la même cour a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en appel et portant sur la conformité à la Constitution des I et II du 1.4 de l’article 78 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2011 de finances pour 2011. Elle soulève, enfin, à l’appui de son pourvoi en cassation contre l’arrêt du 15 juin 2017, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution des deuxième et quatrième alinéas du I du 1.4 de ce même article 78.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant le Conseil d’Etat :

3. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel :  » Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) « . Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. Aux termes des deuxième et quatrième alinéas du I du 1.4 de l’article 78 de la loi de finances pour 2010, dans leur rédaction issue de la loi de finances pour 2011 applicable au litige :  » En tant que de besoin, le montant de la compensation relais prévue au II de l’article 1640 B du code général des impôts est corrigé sur la base des impositions à la taxe professionnelle et à la cotisation foncière des entreprises émises jusqu’au 30 juin 2011 et des dégrèvements de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises ordonnancés jusqu’à la même date. (…)/ Le montant définitif des dotations, prélèvements et reversements mentionnés au premier alinéa du présent I est calculé à partir des impositions établies, des dégrèvements ordonnancés et des produits perçus jusqu’au 30 juin 2011 et actualisé en fonction des redressements opérés par les services fiscaux sur les bases de la taxe professionnelle de 2010, pendant le délai de reprise visé à l’article L. 174 du livre des procédures fiscales « . La communauté d’agglomération Creil Sud Oise soutient que ces dispositions, en tant qu’elles retiennent en particulier comme date limite le 30 juin 2011, méconnaissent le principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

5. Aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 :  » La loi (…) doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse (…) « . Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Il n’en résulte pas pour autant que le principe d’égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.

6. En ne prévoyant qu’une seule date au-delà de laquelle ne peut plus être prise en compte, pour l’ensemble des collectivités territoriales concernées, l’émission de rôles supplémentaires de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises pour corriger le montant de la compensation relais, hors le cas des actualisations opérées par les services fiscaux sur le fondement du quatrième alinéa du I du 1.4 de l’article 78 de la loi de finances pour 2010, les dispositions contestées n’instituent aucune différence de traitement. Ces dispositions ne sont, ainsi, pas de nature à méconnaître le principe d’égalité devant la loi.

7. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant la cour administrative d’appel :

8. Les dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 prévoient que, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’Etat est saisie de moyens contestant la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d’Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu’elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

9. Devant la cour administrative d’appel de Douai, la communauté d’agglomération Creil Sud Oise soutenait que les dispositions des deuxième et quatrième alinéas du I du 1.4 de l’article 78 de la loi de finances pour 2010, dans leur rédaction issue de la loi de finances pour 2011 applicable au litige, citées au point 4, méconnaissaient le principe d’égalité devant les charges publiques, garanti par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et le principe de libre administration des collectivités territoriales, à raison de la perte de ressources fiscales qu’entraînerait l’application de la date du 30 juin 2011 pour pouvoir corriger le montant de la compensation relais.

10. Il ressort des termes de l’arrêt du 21 mai 2015 que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques, la cour a relevé que les dispositions contestées plaçaient l’ensemble des collectivités territoriales et établissements publics dans la même situation au regard de critères objectifs en lien avec les buts poursuivis par le législateur, sans toutefois indiquer quels étaient ces buts. En statuant ainsi, la cour a insuffisamment motivé son arrêt. Il s’ensuit que la communauté d’agglomération Creil Sud Oise est fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens dirigés contre cet arrêt, à demander l’annulation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité opposé par la cour.

11. Il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, d’examiner la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant la cour.

12. En premier lieu, selon l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :  » Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés « . En vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

13. D’une part, par les dispositions contestées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, le législateur a entendu assurer aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre un niveau de ressources voisin de celui précédant la suppression de la taxe professionnelle, sans pour autant garantir une compensation intégrale, et tout en évitant un suivi complexe du dispositif pendant plusieurs années. D’autre part, aux termes du III de l’article 1640 B du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à l’époque des dispositions contestées :  » Les services fiscaux opèrent sur les bases de taxe professionnelle de 2010 les contrôles qu’ils auraient opérés si la taxe professionnelle avait été acquittée en 2010. La compensation relais versée en 2010 aux collectivités territoriales en application du II fait l’objet d’une actualisation correspondant à ces contrôles, pendant le délai de reprise mentionné à l’article L. 174 du livre des procédures fiscales « . Compte tenu de l’objet spécifique de ces contrôles et des délais dans lesquels ils interviennent, le législateur a entendu, dans ce cas particulier, tenir compte du délai de reprise prévu par l’article L. 174 du livre des procédures fiscales pour actualiser, le cas échéant, le montant des dotations. Ainsi, en retenant, au deuxième alinéa du I du 1.4 de l’article 78 de la loi de finances pour 2010, la date du 30 juin 2011 au-delà de laquelle il n’est plus possible de corriger le montant de la compensation relais, hors les cas des actualisations opérées par les services fiscaux sur le fondement du quatrième alinéa du I du 1.4 de l’article 78 de la loi de finances pour 2010, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objectif poursuivi. Il n’en résulte pas une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

14. En second lieu, il résulte du troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution que si les collectivités territoriales  » s’administrent librement par des conseils élus « , chacune d’elles le fait  » dans les conditions prévues par la loi « . En outre, l’article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. Les règles fixées par la loi sur le fondement de ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources des collectivités territoriales ou d’accroître les obligations mises à leur charge au point d’entraver leur libre administration.

15. Les dispositions contestées n’ont pas pour effet d’empêcher toute correction du montant de la compensation relais et, par voie de conséquence, des dotations au titre de la DCRTP et du FNGIR, mais d’encadrer cette possibilité dans le temps. Eu égard à ce qui est dit au point 13 et au caractère circonscrit des effets induits par l’application de la date du 30 juin 2011, le dispositif prévu par le I du 1.4 de l’article 78 de la loi de finances pour 2010 n’est pas de nature à restreindre les ressources des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale au point d’entraver leur libre administration.

16. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les autres moyens du pourvoi :

17. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté de l’agglomération Creil Sud Oise avait demandé, à l’appui de sa requête de première instance, qu’il soit enjoint à l’administration d’intégrer les rôles supplémentaires 2008 et 2009 de la taxe professionnelle dans le calcul de la compensation relais. Dans sa requête d’appel, elle demandait également à la cour que le montant de la compensation relais soit corrigé en ajoutant un montant de 352 322 euros et que le prélèvement au titre du FNGIR soit réduit du même montant. Eu égard aux termes utilisés dans la requête d’appel, la cour ne s’est pas méprise sur la portée des conclusions qui lui étaient soumises et n’a pas commis d’erreur de droit en regardant ces conclusions comme distinctes de la demande d’injonction sous astreinte dont étaient assorties les conclusions principales d’excès de pouvoir présentées devant les premiers juges et en jugeant qu’elles étaient nouvelles en appel.

18. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par courrier du 13 mars 2012 adressé à la direction départementale des finances publiques de l’Oise et portant l’objet  » correction de la garantie individuelle de la ressource « , la communauté d’agglomération creilloise faisait état de  » rôles supplémentaires (…) adressés par les services de la DGFIP (décembre 2011 et plus récemment concernant la société ESIANE) « , estimait qu’il était  » acquis que le premier terme de comparaison de la compensation relais (produit théorique de TP 2010) doit être réévalué du montant des erreurs entachant son calcul pour la détermination de garanties individuelles de ressource  » et demandait à  » connaître le montant de corrections apportées aux versements attendus au titre de 2012 et 2013 « . Ce courrier, auquel était joint une réponse ministérielle à une question de la sénatrice Caroline Cayeux sur les modalités de prise en compte des rôles supplémentaires de taxe professionnelle dans le calcul de la compensation relais et du FNGIR, doit être regardé comme sollicitant la prise en compte, pour le calcul des montants de la DCRTP et du FNGIR qui la concernaient au titre de 2012 et de 2013, des corrections que la communauté d’agglomération creilloise estimait devoir être apportées au montant de la compensation relais qui lui avait été initialement notifié. En estimant que ce courrier présentait  » le caractère d’une simple demande d’information « , eu égard à sa formulation et à la circonstance que, ultérieurement, l’administration avait invité son auteur à présenter ses observations sur les montants de la DCRTP et du FNGIR qui la concernaient, pour en déduire que la réponse de l’administration ne faisait pas grief, la cour a donné aux faits une qualification juridique erronée. Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen dirigé contre la même partie de l’arrêt, celui-ci doit être annulé en tant qu’il a statué sur les conclusions d’excès de pouvoir présentées en première instance.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d’agglomération Creil Sud Oise est seulement fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque en tant que la cour s’est prononcée sur les conclusions d’excès de pouvoir présentées en première instance.

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à la communauté d’agglomération Creil Sud Oise d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

D E C I D E :

 

Article 1er: Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant le Conseil d’Etat par la communauté d’agglomération Creil Sud Oise.

Article 2 : L’arrêt n° 15DA00254 de la cour administrative de Douai du 21 mai 2015 est annulé.

Article 3 : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant la cour administrative d’appel de Douai par la communauté d’agglomération Creil Sud Oise.

Article 4 : L’arrêt n° 15DA00253 de la cour administrative de Douai du 15 juin 2017 est annulé en tant que la cour s’est prononcée sur les conclusions d’excès de pouvoir présentées en première instance.

Article 5 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Douai.

Article 6 : L’Etat versera à la communauté d’agglomération Creil Sud Oise une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la communauté d’agglomération Creil Sud Oise est rejeté.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à la communauté d’agglomération Creil Sud Oise, au Premier ministre, au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et au ministre de l’action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.