La décision par laquelle le Défenseur des droits a décidé de présenter des observations dans un litige opposant, devant une juridiction judiciaire, une société à une ancienne salariée, est indissociable de la procédure juridictionnelle à laquelle elle se rapporte et n’est pas au nombre de ceux dont il appartient à la juridiction administrative de connaître.

CE, 4e et 1re ch. réunies, 30 janv. 2019, n° 411132, Lebon T. Continuer à lire … « La décision par laquelle le Défenseur des droits a décidé de présenter des observations dans un litige opposant, devant une juridiction judiciaire, une société à une ancienne salariée, est indissociable de la procédure juridictionnelle à laquelle elle se rapporte et n’est pas au nombre de ceux dont il appartient à la juridiction administrative de connaître. »

Les demandes relatives au versement de rémunérations et de réparation du préjudice fondées sur le retard ou l’absence de versement de ces rémunérations dues au titre d’enquêtes sociales et d’expertises effectuées par un collaborateur occasionnel de la justice concernent le fonctionnement du service public de la justice et, par suite, de la compétence de la juridiction judiciaire.

T. confl., 12 févr. 2018, n° C4111, Lebon T

Texte intégral
Vu, enregistrée à son secrétariat le 17 octobre 2017, l’expédition de la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, saisi par le ministre de la Justice d’un pourvoi formé contre un jugement du tribunal administratif de Paris du 23 janvier 2014 ayant condamné l’Etat à verser à Mme A… une somme de 770 euros au titre de sa contribution dans une affaire suivie devant le tribunal de grande instance de Bobigny, avec intérêts à compter du 27 mars 2012, ainsi qu’une somme de 1500 euros en réparation de son préjudice, a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistrées à son secrétariat le 15 décembre 2017, les observations de Mme A… tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, le litige, afférent aux dépenses de personnel et de fonctionnement des tribunaux de grande instance, se rapportant à l’organisation du service public de la justice ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au ministre de l’action et des comptes publics et au garde des sceaux, ministre de la justice, qui n’ont pas produit de mémoire;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de procédure civile ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – le rapport de Mme Bénédicte Farthouat-Danon, membre du Tribunal,
– les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

Considérant que Mme A… a été désignée par des juges aux affaires familiales de différents tribunaux de grande instance pour procéder à des enquêtes sociales et à des expertises ; qu’elle a saisi le tribunal administratif de Paris d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de procéder au paiement des sommes lui restant dues, et de condamnation de l’Etat à réparer le préjudice économique et moral résultant des retards et absence de paiement des prestations qu’elle a effectuées en qualité de collaboratrice occasionnelle du service public de la justice ; que, par jugement du 23 janvier 2014, le tribunal administratif a, d’une part rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ses conclusions relatives à la contestation d’un redressement de ses honoraires, d’autre part condamné l’Etat à lui verser une somme au titre de sa contribution dans une affaire suivie devant le tribunal de Bobigny, et une somme en réparation de son préjudice ; que par arrêt du 17 mars 2016, la cour administrative d’appel a renvoyé au Conseil d’Etat l’appel formé par le garde des sceaux, ministre de la justice contre ce jugement ; que le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a, par décision du 16 octobre 2017, saisi le Tribunal des conflits, en application de l’article 35 du décret du 27 février 2015, de la question de savoir si le litige né de l’action de Mme A… tendant au versement des sommes dues au titre d’expertises et d’enquêtes sociales intervenues dans le cadre de procédures civiles et de dommages-intérêts afférents relève ou non de la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant qu’aux termes de l’article 12 du décret n°2009-285 du 12 mars 2009 relatif aux enquêteurs sociaux et à la tarification des enquêtes sociales en matière civile :  » Un référentiel des diligences devant être accomplies lors d’une enquête sociale est défini par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Il est alloué aux enquêteurs sociaux désignés en application des articles 1072, 1171 et 1221 du code de procédure civile une rémunération forfaitaire par enquête, fixée par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé du budget, selon que l’enquête sociale est accomplie par une personne physique ou une personne morale. Cette rémunération peut être réduite, après recueil des observations des intéressés, en cas de retard dans l’accomplissement de la mission ou d’insuffisance du rapport. / En cas d’impossibilité pour l’enquêteur d’accomplir sa mission pour une cause qui lui est étrangère, il est alloué, sous réserve que l’enquêteur justifie des diligences accomplies, une indemnité de carence. Ses modalités sont fixées par l’arrêté prévu à l’alinéa 1. / Lorsque les enquêteurs se déplacent, il leur est alloué, sur justification, des indemnités calculées dans les conditions fixées pour les déplacements des personnels civils de l’Etat «  ;

Considérant que les frais des enquêtes sociales ordonnées dans ce cadre constituent, en application des articles R. 91 et R. 93 du code de procédure pénale, des frais de justice, à la charge provisoire de l’Etat ; que le traitement des états et mémoires de frais de justice relève, pour les frais mentionnés à l’article R. 224-2, de la procédure de certification, avec possibilité de contestation, et transmission en ce cas au magistrat taxateur pour taxation, et pour les autres, de la procédure de taxation, décision juridictionnelle pouvant faire l’objet d’un recours devant la chambre de l’instruction ;

Considérant que, s’agissant des expertises, dont les frais peuvent être avancés par l’Etat en application des dispositions sur l’aide juridictionnelle, la rémunération de l’expert est fixée par le juge, en application de l’article 284 du code de procédure civile, la décision fixant la rémunération étant susceptible d’un recours  ;

Considérant que chacune des missions confiées à Mme A…, collaborateur occasionnel du service public de la justice, a été ordonnée par une décision de la juridiction judiciaire ; que les demandes relatives au versement de ses rémunérations, et les demandes en réparation du préjudice fondées sur le retard ou l’absence de versement de certaines d’entre elles, concernent le fonctionnement du service public de la justice ; que la juridiction judiciaire est en conséquence compétente pour en connaître ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu de mettre à la charge du garde des sceaux, ministre de la justice la somme que demande Mme A… au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :
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Article 1er : la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de l’action de Mme A….

Article 2 : les conclusions de Mme A… tendant à l’application de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : la présente décision sera notifiée à Mme A…, au ministre de l’action et des comptes publics et au garde des sceaux, ministre de la justice.

La juridiction judiciaire est compétente pour connaître de la décision prise par le président d’une juridiction judiciaire de modifier une ordonnance de roulement qui constitue une mesure relevant du fonctionnement du service public de la justice dont l’examen conduit à porter une appréciation sur la marche même des services judiciaires.

T. confl., 12 févr. 2018, n° C4115, Lebon

Texte intégral

Vu, enregistrée à son secrétariat le 4 décembre 2017, l’expédition de la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, saisi de la requête de M. B… tendant à l’annulation de l’arrêt du 21 avril 2016 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 10 novembre 2015 ainsi qu’à l’annulation pour excès de pouvoir des ordonnances des 27 et 28 novembre 2012 par lesquelles le président du tribunal du contentieux de l’incapacité de la région Rhône-Alpes lui a retiré la mission de présider les audiences foraines à Aix-les-Bains, ainsi que la décision qui lui a été signifiée oralement le 4 février 2013, de ne plus lui confier d’audience avant le mois de septembre 2013, à ce qu’il soit fait injonction de le réaffecter dans sa fonction de président de la formation de jugement siégeant à Aix-les-Bains, enfin, à ce que l’Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 10 631,89 euros en réparation du préjudice subi, a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de la compétence ;

Vu, enregistré le 9 février 2018, le mémoire présenté pour M. B… tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour statuer sur son recours par le motif que, sous couvert d’une décision motivée par l’intérêt du service, il a fait l’objet d’une sanction déguisée, et que le juge administratif a retenu sa compétence pour connaître des nomination ou refus de nomination des officiers publics ou ministériels et du recours formé par un membre de parquet à l’encontre d’une mesure de mutation d’office décidée dans l’intérêt du service ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée au ministre de la justice qui n’a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould , membre du Tribunal,
– les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

Considérant que M. B…, magistrat honoraire renouvelé à compter du 6 août 2012 pour un mandat de trois ans en qualité de président de formation de jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité de Lyon par un arrêté de la garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 19 juillet 2012, a été, par une ordonnance du 7 août 2012, désigné par le président de ce tribunal pour présider les audiences tenues par ce tribunal à Aix-les-Bains (Savoie) pour la période 2012-2015 ; que, à la suite d’une altercation entre M. B… et la secrétaire faisant office de greffière lors de l’audience tenue le 14 novembre 2012 à Aix-les-Bains, le président du tribunal a décidé, par deux ordonnances des 27 et 28 novembre 2012, de désigner un autre magistrat puis lui-même pour présider les audiences prévues les 28 novembre et 5 décembre 2012 à Aix-les-Bains ; qu’en outre, après avoir adressé le 22 janvier 2013 une lettre à M. B… comportant différents griefs, le président du tribunal l’a informé, à l’occasion d’un entretien téléphonique le 4 février 2013, de sa décision de ne plus lui confier la présidence d’une audience avant le mois de septembre 2013 ; que M. B… a formé un recours pour excès de pouvoir contre ces trois décisions, qu’il a assorti de conclusions indemnitaires ; que, par jugement du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes comme ne relevant pas de la compétence de la juridiction administrative ; que M. B… s’est pourvu en cassation contre l’arrêt du 21 avril 2016 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté sa demande d’annulation du jugement ; qu’après avoir rejeté les conclusions du pourvoi de M. B… contre cet arrêt en tant qu’il statuait sur les ordonnances des 27 et 28 novembre 2012 et retenu que la décision notifiée oralement le 4 février 2013 était motivée par la volonté de sanctionner l’intéressé et que, par suite, la cour s’était méprise sur la nature de la décision attaquée, le Conseil d’Etat a sursis à statuer sur les autres conclusions du pourvoi et, par application de l’article 35 du décret du 27 février 2015, renvoyé au Tribunal le soin de décider sur la compétence quant à cette partie de l’action introduite par M. B…;

Considérant que la décision prise par le président d’une juridiction judiciaire de modifier une ordonnance de roulement constitue une mesure relevant du fonctionnement du service public de la justice et dont l’examen conduit à porter une appréciation sur la marche même des services judiciaires ; que la juridiction judiciaire peut seule procéder à cet examen ; qu’il s’ensuit qu’un recours contre une telle décision, fondé sur le fait qu’elle constituerait une sanction déguisée, relève de sa compétence ; que la juridiction judiciaire est donc compétente pour connaître de l’action introduite par M. B…;

D E C I D E :

Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître de l’action introduite par M. B….

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B… et au Garde des sceaux, ministre de la justice.