Les dispositions de la loi instaurant la mesure de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine sont contraires aux exigences résultant des articles 2, 4 et 9 de la Déclaration de 1789

Cons. const., 7 août 2020, n° 2020-805 DC.

Rappelant que l’objectif de lutte contre le terrorisme participe de l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public, le Conseil constitutionnel juge qu’il est loisible au législateur de prévoir, sous certaines conditions, des mesures de sûreté fondées sur la particulière dangerosité de l’auteur d’un acte terroriste et visant à prévenir la récidive de telles infractions. Il censure néanmoins les dispositions de la loi instaurant la mesure de sûreté contestée comme contraires aux exigences résultant des articles 2, 4 et 9 de la Déclaration de 1789

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Faculté de rejeter par ordonnance certaines requêtes d’appel (9e al. de l’art. R. 222-1 du CJA) – Annonce d’une QPC – Faculté soumise à la fixation d’un délai pour produire le mémoire distinct (art. R. 611-17 du CJA)

54-07-01-07 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. QUESTIONS GÉNÉRALES. DEVOIRS DU JUGE. – FACULTÉ DE REJETER PAR ORDONNANCE CERTAINES REQUÊTES D’APPEL 9E AL. DE L’ART. R. 222-1 DU CJA – ANNONCE D’UNE QPC – FACULTÉ SOUMISE À LA FIXATION D’UN DÉLAI POUR PRODUIRE LE MÉMOIRE DISTINCT ART. R. 611-17 DU CJA RJ1. 54-07-01-07 La présentation d’une question prioritaire de constitutionnalité QPC étant susceptible, lorsqu’elle porte sur une disposition législative dont découle la détermination des règles de recevabilité applicables au litige, de modifier l’appréciation portée par le juge sur la recevabilité de la…

Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, Société locale d’épargne de Haute-Garonne Sud-Est 9 juin 2020, 438822

La présentation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) étant susceptible, lorsqu’elle porte sur une disposition législative dont découle la détermination des règles de recevabilité applicables au litige, de modifier l’appréciation portée par le juge sur la recevabilité de la requête ou, lorsqu’elle porte sur une disposition législative constituant le fondement légal de la décision contestée, de modifier l’appréciation portée sur l’absence manifeste de fondement de la requête, un président de chambre de cour administrative d’appel ne peut, en l’absence d’instruction, statuer régulièrement sur une requête d’appel par une ordonnance prise sur le fondement du dernier alinéa de l’article R. 222-1 du code de justice administrative (CJA) avant la production du mémoire distinct qu’elle annonçait, sans lui avoir imparti un délai pour produire ce mémoire en faisant usage du pouvoir prévu par l’article R. 611-17 de ce code.

Rappr., s’agissant de la faculté de rejeter par ordonnance un requête d’appel avant la production du mémoire complémentaire annoncé, CE, 10 juin 2020, M. Brunel, n° 427806, à mentionner aux Tables.

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L’article 222 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 prévoyant, à titre expérimental, que « les décisions d’urbanisme autorisant ou ne s’opposant pas à l’implantation d’antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d’accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées », dérogeant au « principe de légalité des actes administratifs », ne permet pas de caractériser une atteinte à un droit ou une liberté au sens de l’article 61-1 de la Constitution.

CE, 2-7 chr, 11 déc. 2019, n° 434741, Lebon T

Continuer à lire … « L’article 222 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 prévoyant, à titre expérimental, que « les décisions d’urbanisme autorisant ou ne s’opposant pas à l’implantation d’antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d’accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées », dérogeant au « principe de légalité des actes administratifs », ne permet pas de caractériser une atteinte à un droit ou une liberté au sens de l’article 61-1 de la Constitution. »

Le Conseil d’Etat, saisi d’une requête ressortissant à la compétence d’une autre juridiction administrative au soutien de laquelle est soulevée une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), peut statuer sur la transmission de cette QPC au Conseil constitutionnel avant de renvoyer l’affaire à la juridiction compétente.

CE, 4-1 chr, 3 juin 2019, n° 424377, Lebon T Continuer à lire … « Le Conseil d’Etat, saisi d’une requête ressortissant à la compétence d’une autre juridiction administrative au soutien de laquelle est soulevée une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), peut statuer sur la transmission de cette QPC au Conseil constitutionnel avant de renvoyer l’affaire à la juridiction compétente. »

Chacun des pharmaciens exerçant dans le cadre d’une société d’exercice libéral doit répondre des irrégularités entachant l’activité de l’officine exploitée en commun, à l’exception de celles dont il est établi qu’elles sont exclusivement imputables au comportement personnel d’un ou plusieurs de ses co-associés.

CE, 5e et 6e ch. réunies, 28 mars 2019, n° 418350, Lebon T Continuer à lire … « Chacun des pharmaciens exerçant dans le cadre d’une société d’exercice libéral doit répondre des irrégularités entachant l’activité de l’officine exploitée en commun, à l’exception de celles dont il est établi qu’elles sont exclusivement imputables au comportement personnel d’un ou plusieurs de ses co-associés. »

Lorsque le Conseil constitutionnel précise, dans une décision déclarant une disposition législative contraire à la Constitution, que cette déclaration d’inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de sa décision, cette déclaration peut être invoquée dans toutes les procédures contentieuses en cours, quelle que soit la période d’imposition sur laquelle porte le litige.

CE, 8e – 3e ch. réunies, 6 févr. 2019, n° 425509, Lebon T

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas au nombre des décisions juridictionnelles ou avis mentionnés aux troisième et cinquième alinéas de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales (LPF), pour lesquels la deuxième phrase du c de l’article R. 196-1 et du b de l’article R. 196-2 du même livre écarte la qualification d’événement constituant le point de départ d’un nouveau délai de réclamation. Toutefois, seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ de ce délai les événements qui ont une incidence directe sur le principe même de l’imposition, son régime ou son mode de calcul.

Une décision par laquelle le Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution, déclare inconstitutionnelle une disposition législative ou ne la déclare conforme à la Constitution que sous une réserve d’interprétation ne constitue pas, en elle-même, un tel événement susceptible d’ouvrir un nouveau délai de réclamation.

Il appartient au seul Conseil constitutionnel, lorsque, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, il a déclaré contraire à la Constitution la disposition législative ayant fondé l’imposition litigieuse ou ne l’a déclarée conforme à la Constitution que sous une réserve d’interprétation, de prévoir si, et le cas échéant dans quelles conditions, les effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration sont remis en cause, au regard des règles, notamment de recevabilité, applicables à la date de sa décision.

Lorsque le Conseil constitutionnel précise, dans une décision déclarant une disposition législative contraire à la Constitution, que cette déclaration d’inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de sa décision, cette déclaration peut être invoquée dans toutes les procédures contentieuses en cours, quelle que soit la période d’imposition sur laquelle porte le litige. Elle peut l’être aussi à l’appui de toute réclamation encore susceptible d’être formée eu égard aux délais fixés par les articles R. 196-1 et R. 196-2 du livre des procédures fiscales.

Cf., s’agissant des seules déclarations d’inconstitutionnalité, CE, 11 janvier 2019, SCI Maximoise de création et SAS AEGIR, n°s 424819 424821, à publier au Recueil. Continuer à lire … « Lorsque le Conseil constitutionnel précise, dans une décision déclarant une disposition législative contraire à la Constitution, que cette déclaration d’inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de sa décision, cette déclaration peut être invoquée dans toutes les procédures contentieuses en cours, quelle que soit la période d’imposition sur laquelle porte le litige. »

Mesure administrative d’exploitation des données saisies dans le cadre d’une visite aux fins de prévention du terrorisme prévue par l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure : rejet de la QPC, la conformité à la Constitution a déjà fait l’objet d’une précédente QPC sans que le requérant fasse valoir un changement des circonstances justifiant leur réexamen.

Cons. const., 13 juin 2018, n° 2018-713/714 QPC

Texte intégral

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 12 avril 2018 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêts nos 828 et 829 du 11 avril 2018), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été posées pour M. Mohamed M. par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2018-713 QPC et 2018-714 QPC. Elles sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Au vu des textes suivants :
– la Constitution ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
– le code de la sécurité intérieure ;
– la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ;
– la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 ;
– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
– les observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi et Sureau et Me Raphaël Kempf, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 30 avril et 22 mai 2018 ;
– les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 4 mai 2018 ;
– les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Mes Patrice Spinosi et François Sureau, avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour le requérant, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 5 juin 2018 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision.

2. L’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi du 30 octobre 2017 mentionnée ci-dessus, est relatif aux saisies réalisées lors d’une visite administrative aux fins de lutte contre le terrorisme. Son paragraphe II prévoit :« Dès la fin de la visite, l’autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris d’autoriser l’exploitation des données saisies. Au vu des éléments révélés par la visite, le juge statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine sur la régularité de la saisie et sur la demande de l’autorité administrative. Sont exclus de l’autorisation les éléments dépourvus de tout lien avec la finalité de prévention de la commission d’actes de terrorisme ayant justifié la visite.
« L’ordonnance est notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l’avis. À défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte d’huissier de justice.
« L’acte de notification comporte mention des voies et délais de recours contre l’ordonnance ayant autorisé l’exploitation des données saisies.
« L’ordonnance autorisant l’exploitation des données saisies peut faire l’objet, dans un délai de quarante-huit heures, d’un appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris selon les modalités mentionnées aux trois premiers alinéas du I de l’article L. 229-3. Le premier président statue dans un délai de quarante-huit heures.
« L’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale. Le délai de pourvoi en cassation est de quinze jours.
« En cas de décision de refus devenue irrévocable, les données copiées sont détruites et les supports saisis sont restitués, dans l’état dans lequel ils ont été saisis, à leur propriétaire.
« Pendant le temps strictement nécessaire à leur exploitation autorisée selon la procédure mentionnée au présent article, les données et les supports saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la visite et à la saisie. Les systèmes informatiques ou équipements terminaux sont restitués à leur propriétaire, le cas échéant après qu’il a été procédé à la copie des données qu’ils contiennent, à l’issue d’un délai maximal de quinze jours à compter de la date de leur saisie ou de la date à laquelle le juge, saisi dans ce délai, a autorisé l’exploitation des données qu’ils contiennent. Les données copiées sont détruites à l’expiration d’un délai maximal de trois mois à compter de la date de la visite ou de la date à laquelle le juge, saisi dans ce délai, en a autorisé l’exploitation.
« En cas de difficulté dans l’accès aux données contenues dans les supports saisis ou dans l’exploitation des données copiées, lorsque cela est nécessaire, les délais prévus à l’avant-dernier alinéa du présent II peuvent être prorogés, pour la même durée, par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, saisi par l’autorité administrative au moins quarante-huit heures avant l’expiration de ces délais. Le juge statue dans un délai de quarante-huit heures sur la demande de prorogation présentée par l’autorité administrative. Si l’exploitation ou l’examen des données et des supports saisis conduit à la constatation d’une infraction, ces données et supports sont conservés selon les règles applicables en matière de procédure pénale ».

3. Le requérant soutient que, si ces dispositions ont déjà été déclarées conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 29 mars 2018 mentionnée ci-dessus, le seul fait que la Cour de cassation ait, postérieurement à cette décision, renvoyé deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur ces mêmes dispositions constituerait un changement des circonstances justifiant leur réexamen. Sur le fond, ces dispositions seraient contraires au droit au respect de la vie privée, à l’inviolabilité du domicile, au droit à un recours juridictionnel effectif, au droit à un procès équitable et aux droits de la défense.

4. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l’article 23-2 et du troisième alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances.

5. Dans sa décision du 29 mars 2018, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les dispositions du paragraphe II de l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi du 30 octobre 2017. Il les a déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision.

6. Aucun changement des circonstances n’est intervenu depuis la décision du Conseil constitutionnel du 29 mars 2018. À cet égard, le seul fait que le Conseil d’État ou la Cour de cassation renvoie au Conseil constitutionnel une disposition législative déjà déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ne saurait constituer un changement des circonstances.

7. Dès lors, il n’y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d’examiner ces questions prioritaires de constitutionnalité.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. – Il n’y a pas lieu de statuer sur les questions prioritaires de constitutionnalité portant sur le paragraphe II de l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Article 2. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juin 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 13 juin 2018.

ECLI:FR:CC:2018:2018.713.QPC

La déclaration d’inconstitutionnalité d’une disposition législative par le Conseil constitutionnel a pour effet, en l’absence de report dans le temps de l’abrogation de cette disposition, de priver de base de légale les actes réglementaires pris pour son application. L’auteur de la QPC soulevée à l’occasion d’un REP dirigé contre de tels actes réglementaires est fondé à en demander pour ce motif l’annulation pour excès de pouvoir.

N° 400912 CONSEIL D’ETAT

Séance du 9 mai 2018
Lecture du 30 mai 2018
__________

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 10ème et 9ème chambres réunies)

Sur le rapport de la 10ème chambre
de la Section du contentieux

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 23 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme Helen D. demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-567 du 10 mai 2016 relatif au registre public des trusts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 61-1 et 62 ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
– le code général des impôts ;
– la décision n° 2016-591 QPC du 21 octobre 2016 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme D. ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Vincent Villette, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par sa décision n° 2016-591 du 21 octobre 2016, le Conseil constitutionnel, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la requérante à l’occasion de son recours pour excès de pouvoir contre le décret du 10 mai 2016 relatif au registre public des trusts, a déclaré contraire à la Constitution le deuxième alinéa de l’article 1649 AB du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, aux termes duquel : « Il est institué un registre public des trusts. Il recense nécessairement les trusts déclarés, le nom de l’administrateur, le nom du constituant, le nom des bénéficiaires et la date de constitution du trust » et a prononcé son abrogation à compter de la date de publication de sa décision. Après avoir rappelé qu’en principe la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et que la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de sa décision, le Conseil constitutionnel a estimé  qu’en l’espèce, aucun motif ne justifiait de reporter les effets de l’abrogation des dispositions litigieuses.

2. Contrairement à ce que soutient le ministre à l’appui de ses conclusions à fin de non lieu, cette décision n’a pas entraîné, même implicitement, l’abrogation du décret attaqué. En revanche, alors même qu’elle ne comporte aucune prescription sur les effets produits par les dispositions législatives déclarées contraires à la Constitution, il résulte de l’ensemble de ses motifs que Mme Scheurer, qui, conformément au principe rappelé par le Conseil constitutionnel, doit bénéficier de la déclaration d’inconstitutionnalité, est fondée à soutenir que le décret attaqué, qui a été pris pour la mise en œuvre des dispositions législatives déclarées inconstitutionnelles, était privé de base légale et à en demander, pour ce motif, l’annulation pour excès de pouvoir.

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le décret n° 2016-567 du 10 mai 2016 relatif au registre public des trusts est annulé.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Helen D., au Premier ministre et au ministre de l’action et des comptes publics.

Lorsqu’un tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l’auteur de cette question de contester ce refus à l’occasion de l’appel formé contre le jugement qui statue sur le litige, dans le délai d’appel et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l’ait été par une décision distincte du jugement, dont il joint alors une copie, ou directement par ce jugement.

CONSEIL D’ETAT N° 406984  M. et Mme X. Lecture du 16 mai 2018

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème chambre)

Vu la procédure suivante :

M. et Mme X. ont demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler, d’une part, la décision du 11 septembre 2012 du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes rejetant leur demande de compensation entre leurs dettes fiscales et des créances qu’ils détenaient sur l’Etat et, d’autre part, deux avis à tiers détenteur émis le 28 juin 2012 auprès de la Caisse d’Epargne de Côte d’Azur et de la société Marseillaise de Crédit.

Ils ont également demandé, par mémoire distinct, que le tribunal administratif de Nice transmette au Conseil d’Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l’article 1289 du code civil aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Par un jugement n° 1203886 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Nice, après avoir jugé qu’il n’y avait pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15MA00162 du 17 novembre 2016, la cour administrative d’appel de Marseille, après avoir estimé qu’il n’y avait pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant elle par M. et Mme X. (article 1er), a rejeté leur appel formé contre ce jugement (article 2).

Par un pourvoi, enregistré le 18 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. et Mme X. demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 19 janvier 2017, M. et Mme X. contestent le refus qui leur a été opposé par la cour administrative d’appel de Marseille de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité qu’ils ont soulevée devant elle.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la Constitution, notamment son article 61-1 ;

– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

– le code civil, notamment son article 1289 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Céline Guibé, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de M. et Mme X..

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par deux avis à tiers détenteur décernés, le 28 juin 2012, à la Caisse d’Epargne de Côte d’Azur et à la société Marseillaise de Crédit et notifiés, le même jour, à Mme X., l’administration fiscale a poursuivi le recouvrement de la somme 26 432 euros dont M. et Mme X. étaient redevables à l’égard du trésor public au titre des impôts sur le revenu des années 2009 et 2010, de contributions sociales de l’année 2010 et de taxes d’habitation des années 2010 et 2011. Les époux X. ont contesté ces actes de poursuite auprès du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes en faisant valoir qu’ils étaient créanciers de l’Etat et de la ville de Nice à divers titres et en sollicitant, en conséquence, le bénéfice de la compensation légale prévue par l’article 1290 du code civil alors en vigueur. Leur réclamation a été rejetée, par une décision du 11 septembre 2012, au motif que la condition de réciprocité des créances prévue à l’article 1289 du code civil n’était pas remplie. M. et Mme X. ont alors saisi le tribunal administratif de Nice qui, par un jugement du 13 novembre 2014, a rejeté leur demande après avoir refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en cours d’instance et portant sur les dispositions de l’article 1289 du code civil. Par l’arrêt attaqué du 17 novembre 2016, la cour administrative d’appel de Marseille a confirmé ce jugement après avoir, à son tour, refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, à nouveau, devant elle.

Sur le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Il résulte des dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’Etat est saisie de moyens contestant la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d’Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. Aux termes de l’article 1289 du code civil, alors applicable : « Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés ». Devant la cour, M. et Mme X. soutenaient que l’application de la compensation légale prévue par ces dispositions aux seules créances et dettes de nature fiscale était contraire aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et au principe de sécurité juridique.

4. Pour refuser de transmettre au Conseil d’Etat la question ainsi posée, la cour a jugé que les dispositions de l’article 1289 du code civil n’étaient pas applicables au litige. En statuant ainsi, alors que le refus opposé à la demande de compensation formée par les époux X., contesté devant les juges du fond, était fondé sur ce que les conditions prévues par l’article 1289 du code civil n’étaient pas remplies, la cour a commis une erreur de droit.

5. Toutefois, il résulte de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 que le refus de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être contesté qu’à l’occasion d’un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige. L’article R. 771‑12 du code de justice administrative prévoit, par ailleurs, que : « Lorsque, en application du dernier alinéa de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l’une des parties entend contester, à l’appui d’un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d’irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l’expiration du délai d’appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d’une copie de la décision de refus de transmission. ». Il résulte de ces dispositions que lorsqu’un tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l’auteur de cette question de contester ce refus à l’occasion de l’appel formé contre le jugement qui statue sur le litige, dans le délai d’appel et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l’ait été par une décision distincte du jugement, dont il joint alors une copie, ou directement par ce jugement.

6. Or, en l’espèce, il ressort des pièces de la procédure que M. et Mme X. n’ont pas contesté, devant la cour, le refus de transmission opposé par le tribunal administratif à la question prioritaire de constitutionnalité qu’ils avaient soulevée devant lui mais ont présenté, après l’expiration du délai d’appel, une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité par laquelle ils ont contesté, à nouveau, les dispositions de l’article 1289 du code civil par les mêmes moyens. Cette question était, ainsi, irrecevable et ne pouvait, dès lors, faire l’objet d’une transmission.

7. Ce motif, qui justifie l’article 1er de l’arrêt attaqué par lequel la cour a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, doit être substitué au motif retenu par la cour administrative d’appel. Dès lors, M. et Mme X. ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’article 1er de l’arrêt qu’ils attaquent.

Sur les autres moyens :

8. Il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que, dans leur mémoire en réplique, enregistré devant la cour le 28 octobre 2016, M. et Mme X. ont soutenu que, dès lors que l’Etat ne peut être contraint à payer ses dettes par aucune mesure d’exécution, le refus de faire bénéficier ses créanciers de la compensation légale aboutit à une expropriation contraire aux stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Or il ressort des motifs de l’arrêt attaqué que la cour n’a pas répondu à ce moyen, qui n’était pas inopérant. Son arrêt est, par suite, insuffisamment motivé. Il en résulte que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de leur pourvoi, M. et Mme X. sont fondés à demander l’annulation de l’article 2 de cet arrêt qui rejette leur requête.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : La contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité opposé à M. et Mme X. par la cour administrative d’appel de Marseille est écartée.

Article 2 : L’article 2 de l’arrêt du 17 novembre 2016 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.

Article 3 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.

Article 4 : L’Etat versera à M. et Mme X. une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme X., au ministre de l’action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.

Contestation d’un refus de transmission d’une QPC : lorsqu’une juridiction administrative a omis de statuer sur une QPC les conclusions tendant à la contestation d’une décision de refus de transmission de cette QPC ne sont pas recevables en l’absence d’une décision de refus de transmission.

N° 400477

– 1 –

CONSEIL D’ETAT

statuant

au contentieux

CS

N° 400477

__________

M. A.

__________

M. Simon Chassard

Rapporteur

__________

M. Yohann Bénard

Rapporteur public

__________

Séance du 4 avril 2018

Lecture du 26 avril 2018

__________

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème chambres réunies)

Sur le rapport de la 9ème chambre

de la Section du contentieux

Vu la procédure suivante :

M. Jean-Alain A. a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d’une part, d’annuler la décision du 16 février 2015 par laquelle la Caisse des dépôts et consignations a rejeté sa demande tendant à l’attribution de la bonification pour enfant et d’enjoindre au service des pensions de réexaminer sa demande conformément aux textes en vigueur dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, d’autre part, de l’indemniser du préjudice moral et financier qu’il a subi à hauteur de 59 138 euros et, enfin, de surseoir à statuer, de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 121-4 du code de justice administrative et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles. Par un jugement n° 1502721 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 juin et 7 septembre 2016 ainsi que le 22 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– le code des pensions civiles et militaires ;

– la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;

– la loi n° 2010-130 du 9 novembre 2010 ;

– le décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 ;

– l’arrêt C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l’Union européenne ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,

– les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. A..

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A., par une requête enregistrée au greffe de ce tribunal le 16 juin 2015, a demandé l’annulation de la décision du 16 février 2015 par laquelle la Caisse des dépôts et consignations a rejeté sa demande tendant à l’attribution de la bonification pour enfants et a refusé de l’indemniser à hauteur du préjudice moral et financier qu’il estimait avoir subi. Il ressort, par ailleurs, des pièces transmises par le tribunal administratif de Bordeaux que M. A. a déposé, à l’appui de sa demande aux fins d’annulation de cette décision, outre un nouveau mémoire enregistré au greffe du tribunal le 2 février 2016, un mémoire en question prioritaire de constitutionnalité qui a été enregistré, ainsi qu’il ressort de la fiche de l’instance n° 1502721, à cette même date. Par ce mémoire, M. A. entendait soulever la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article L. 121-4 du code de justice administrative.

Sur la compétence du Conseil d’Etat :

2. L’article R. 811-1 du code de justice administrative dispose que : « (…) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / 7° Sur les litiges en matière de pensions ; / 8° Sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ». Il résulte de ces dispositions que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les actions indemnitaires relevant d’un litige en matière de pensions, et ce quel que soit le montant des indemnités demandées. Par suite, la requête de M. A. présente le caractère d’un pourvoi en cassation et le Conseil d’Etat est compétent pour en connaître.

Sur la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes de l’article R. 771-9 du code de justice administrative : « La décision qui statue sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité est notifiée aux parties (…). / La notification d’une décision de refus de transmission mentionne que cette décision ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige. Elle mentionne aussi que cette contestation devra faire l’objet d’un mémoire distinct et motivé, accompagné d’une copie de la décision de refus de transmission ». Aux termes de l’article R. 771-16 du même code : « Lorsque l’une des parties entend contester devant le Conseil d’Etat, à l’appui d’un appel ou d’un pourvoi en cassation formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité précédemment opposé, il lui appartient, à peine d’irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l’expiration du délai de recours dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d’une copie de la décision de refus de transmission. / (…) ».

4. Lorsqu’une juridiction administrative a omis de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l’auteur de cette question de contester une telle méconnaissance des dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 à l’occasion du pourvoi en cassation formé contre la décision qui statue sur le litige. Dans une telle hypothèse, lorsque le requérant a présenté à l’appui de son pourvoi en cassation un mémoire en contestation d’un refus de transmission, les conclusions en annulation de cette décision alléguée ne peuvent, en raison de l’absence de toute décision statuant sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, qu’être regardées comme irrecevables.

5. En l’espèce, le tribunal administratif de Bordeaux, au greffe duquel a été enregistrée la question prioritaire de constitutionnalité mentionnée au point 1 ci-dessus, n’a, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, statué sur cette dernière, ni par une ordonnance ou une décision avant dire droit, comme il lui était loisible de le faire, ni par le jugement attaqué du 8 avril 2016. Il en résulte que, faute de décision se prononçant sur la transmission au Conseil d’Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A., la contestation présentée par ce dernier, par un mémoire distinct enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 7 juin 2016, est irrecevable.

Sur le pourvoi en cassation :

6. Aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation ».

7. Ainsi qu’il a été dit au point 4 ci-dessus, le tribunal administratif de Bordeaux a omis de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.. Alors même que les dispositions de l’article L 121-4 du code de justice administrative relatives à la nomination des conseillers d’Etat en service extraordinaire et à leurs fonctions, dont l’inconstitutionnalité était invoquée, n’étaient pas applicables au litige soumis au tribunal administratif, ce dernier a entaché son jugement d’irrégularité en omettant de statuer sur cette question prioritaire de constitutionnalité conformément aux dispositions précitées de l’article 23‑2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 . M. A. est donc fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 avril 2016 qu’il attaque.

Sur le règlement au fond :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A. devant le tribunal administratif de Bordeaux sur le fondement de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 et de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

9. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

10. Aux termes de l’article L. 121-4 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : « Les conseillers d’Etat en service extraordinaire sont nommés par décret pris en conseil des ministres, sur la proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, et sont choisis parmi les personnalités qualifiées dans les différents domaines de l’activité nationale. Ils siègent à l’assemblée générale et peuvent être appelés à participer aux séances des autres formations administratives. Les conseillers d’Etat en service extraordinaire ne peuvent être affectés à la section du contentieux ». M. A. soutient que ces dispositions, en tant qu’elles n’ont pas empêché que des conseillers d’Etat en service ordinaire siègent au sein de la formation de jugement du Conseil d’Etat ayant rendu la décision n° 372426 du 27 mars 2015 statuant sur un litige identique, sont contraires aux articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Toutefois, le moyen tiré de l’irrégularité de la composition de la formation de jugement ayant rendu cette décision est inopérant dans le cadre du présent litige. Par suite, les dispositions de l’article L. 121-4 du code de justice administrative, en tant qu’elles n’ont pas prévu que les conseillers d’Etat en service ordinaire ne peuvent pas siéger à la section du contentieux, ne peuvent être regardées comme étant applicables au présent litige au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958. Dès lors, il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A..

En ce qui concerne la bonification pour enfant et le bénéfice du départ anticipé à la retraite :

11. Aux termes de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige : « Aux services effectifs s’ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d’Etat, les bonifications ci-après : (…) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l’adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu’ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l’article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d’une bonification fixée à un an, qui s’ajoute aux services effectifs, à condition qu’ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ». En vertu des dispositions du 1° de l’article R. 13 du même code, le bénéfice des dispositions précitées du b de l’article L. 12 de ce code est subordonné à une interruption d’activité d’une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d’un congé pour maternité, d’un congé pour adoption, d’un congé parental, d’un congé de présence parentale, ou d’une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans.

12. Aux termes de l’article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « 1. Chaque Etat membre assure l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier. L’égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d’une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (…). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ». Il résulte de ces dispositions, telles qu’interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que le principe d’égalité des rémunérations s’oppose non seulement à l’application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l’application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s’expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu’il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l’application d’une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d’un sexe par rapport à l’autre. Par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l’Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d’appel de Lyon, a estimé que l’article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu’un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l’objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu’elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l’octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article. Elle a cependant rappelé que, s’il lui revenait de donner des « indications » « de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer », il revient exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs.

13. Si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu’ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins des données disponibles qu’une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière. Les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes. De plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d’un ou plusieurs enfants au foyer. Alors qu’une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d’enfants. Ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s’accroissent avec le nombre d’enfants. Le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d’une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation. Cette bonification n’a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l’objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées.

14. Par ailleurs, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d’enfants nés avant le 1er janvier 2004. Ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l’intérêt général qui s’attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu’aurait la suppression des dispositions du b de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître. Dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d’enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu’il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l’article L. 12 et de l’article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet, ce dont il résulte que les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d’égalité tel que défini à l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

15. Aux termes du 3° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « I. – La liquidation de la pension intervient : / (…) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d’un enfant vivant, âgé de plus d’un an et atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu’il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Sont assimilées à l’interruption d’activité mentionnée à l’alinéa précédent les périodes n’ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l’article L. 18 que l’intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ». En vertu des I et II de l’article R. 37 du même code, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l’article L. 24 est subordonné à une interruption d’activité d’une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d’un congé pour maternité, d’un congé de paternité, d’un congé pour adoption, d’un congé parental, d’un congé de présence parentale, ou d’une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. Par l’arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l’article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu’un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l’objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu’elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article.

16. Cependant, ainsi qu’il a été dit au point 12 de la présente décision, la Cour de justice de l’Union européenne a rappelé que, s’il lui revenait de donner des « indications de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer », il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs. Par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants. Ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître. Dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d’un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d’offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l’éducation d’enfants sur le déroulement de la carrière d’une femme, en l’état de la société française d’alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu’elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Par suite, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d’égalité des rémunérations tel que défini à l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

17. Enfin, les modalités de liquidation d’une pension sont appréciées à la date de l’admission à la retraite, intervenue, dans le cas de M. A., à compter du 1er février 2005. Il en résulte que les modalités de liquidation de la pension devaient s’apprécier, non au regard des dispositions du décret n° 65-836 du 24 septembre 1965, contrairement à ce que soutient le requérant, mais au regard des dispositions du décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004.

18. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. A. doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

19. D’une part, il résulte de ce qui vient d’être dit que la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée à raison d’une violation par le législateur français du droit de l’Union européenne. D’autre part, la circonstance que le Conseil d’Etat statuant au contentieux ait, à l’occasion d’autres instances, refusé de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne les mêmes questions préjudicielles que celles soulevées par M. A. n’est pas de nature à caractériser une violation du droit de l’Union européenne, pas plus que des stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ce dont il résulte que la responsabilité de l’Etat ne peut pas non plus être engagée à raison de ces décisions

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

20. La présente décision n’appelle aucune mesure d’exécution et les conclusions présentées par M. A. sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu’être rejetées.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne, que la demande présentée par M. A. devant le tribunal administratif de Bordeaux doit être rejetée.

22. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. A. au titre de ces dispositions soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Le jugement du 8 avril 2016 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A..

Article 3 : La demande présentée par M. A. devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Alain A. et au ministre de l’action et des comptes publics.

Copie sera transmise à la Caisse des dépôts et consignations.

Les nouveaux pouvoirs du président de l’Autorité de la concurrence en matière d’opérations de concentration résultant de l’article L. 461- 3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n°2015 -990 du 6 août 2015 ne méconnaissent ni le principe d’égalité devant la loi ni ne portent une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre au regard de l’objectif poursuivi et sont conformes à la Constitution.

Décision n° 2018-702 QPC du 20 avril 2018
Société Fnac Darty [Pouvoirs du président de l’autorité de la concurrence en matière d’opérations de concentration]
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2018/2018-702-qpc/decision-n-2018-702-qpc-du-20-avril-2018.151052.html#

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 5 février 2018 par le Conseil d’État (décision nos 414654, 414657 du 1er février 2018), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Fnac Darty par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Périer, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-702 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des mots « , des décisions de révision des mesures mentionnées aux III et IV de l’article L. 430-7 ou des décisions nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures » figurant à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 461-3 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Au vu des textes suivants :
– la Constitution ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
– le code de commerce ;
– la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ;
– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
– les observations présentées pour la société requérante par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Périer, enregistrées les 27 février et 14 mars 2018 ;
– les observations présentées pour l’Autorité de la concurrence, partie en défense, par la SCP Baraduc Duhamel Rameix, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées les 27 février et 14 mars 2018 ;
– les observations présentées pour M. Richard Dray et les sociétés Galeries Cardinet, Les 3 D et Terrada, parties à l’instance à l’occasion de laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Gadiou, Chevallier, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées les 27 février et 14 mars 2018 ;
– les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 27 février 2018 ;
– les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Pascal Wilhelm, avocat au barreau de Paris, pour la société requérante, Me Jean-Pierre Chevallier, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour les parties à l’instance à l’occasion de laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, Me Élisabeth Baraduc, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour la partie en défense, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 10 avril 2018 ;
Au vu des pièces suivantes :
– la note en délibéré présentée par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Périer, Me Wilhelm et Me Olivier Billard, avocats au barreau de Paris, pour la société requérante, enregistrée le 11 avril 2018 ;
– la note en délibéré présentée par la SCP Baraduc Duhamel Rameix, pour la partie en défense, enregistrée le 11 avril 2018 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 461-3 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi du 6 août 2015 mentionnée ci-dessus, prévoit que le président de l’Autorité de la concurrence, ou un vice-président désigné par lui, peut adopter seul certaines décisions. La seconde phrase du même alinéa prévoit qu’il peut faire de même s’agissant des décisions prévues à l’article L. 430-5 ainsi que : «, des décisions de révision des mesures mentionnées aux III et IV de l’article L. 430-7 ou des décisions nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures ».

2. La société requérante reproche à ces dispositions de permettre au président de l’Autorité de la concurrence de prendre seul les décisions de révision et de mise en œuvre des engagements, injonctions et prescriptions décidés par cette autorité dans le cadre de l’examen approfondi des opérations de concentration économique. En ne garantissant pas que ces décisions soient prises collégialement, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions de nature à affecter la liberté d’entreprendre, la liberté contractuelle et le droit de propriété. La société requérante soutient également que, en conférant au président de l’Autorité de la concurrence le pouvoir de décider discrétionnairement de prendre seul les décisions en cause ou de les renvoyer à une formation collégiale, le législateur aurait permis de traiter différemment des entreprises se trouvant pourtant dans la même situation. Il en résulterait une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi. Les parties à l’instance à l’occasion de laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été posée formulent les mêmes griefs.

– Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi :

3. Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

4. L’article L. 430-7 du code de commerce définit les conditions selon lesquelles l’Autorité de la concurrence procède à l’examen approfondi des opérations de concentration économique. En application de son paragraphe III, cette autorité peut, par une décision motivée, soit interdire l’opération de concentration et enjoindre, le cas échéant, aux parties de prendre toute mesure propre à rétablir une concurrence suffisante, soit autoriser l’opération en enjoignant aux parties de prendre toute mesure propre à assurer une concurrence suffisante ou en les obligeant à observer des prescriptions « de nature à apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence ». En application du paragraphe IV du même article, l’Autorité de la concurrence peut également, par une décision motivée, autoriser l’opération et, le cas échéant, la subordonner à la réalisation effective d’engagements pris par les parties.

5. En application des dispositions contestées, le président de l’Autorité de la concurrence, ou un vice-président désigné par lui, peut adopter seul les décisions de révision des mesures mentionnées aux paragraphes III et IV de l’article L. 430-7 et les décisions nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures. Le président peut également renvoyer à une formation collégiale de l’Autorité de la concurrence le soin de prendre une telle décision.

6. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer l’exécution effective et rapide des décisions de l’Autorité de la concurrence en matière de contrôle des opérations de concentration, en permettant à son président, ou à un vice-président, de décider seul lorsque l’affaire ne présente pas de difficultés particulières ou lorsque des exigences de délai le justifient.

7. Dans ces conditions, les dispositions contestées n’instaurent aucune différence de traitement entre les personnes intéressées par les décisions en cause. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.

– Sur le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre :

8. Il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

9. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur, ainsi qu’il a été dit au paragraphe 6, a entendu assurer l’exécution effective et rapide des décisions de l’Autorité de la concurrence en matière de contrôle des opérations de concentration. Ces décisions ont pour objet d’assurer un fonctionnement concurrentiel du marché dans un secteur déterminé. Ce faisant, le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général.

10. En second lieu, d’une part, les dispositions contestées permettent au président ou à un vice-président de l’Autorité de la concurrence de réviser ou de mettre en œuvre, dans le respect des décisions d’autorisation ou d’interdiction d’une opération de concentration, les engagements, injonctions et prescriptions dont ces décisions peuvent être assorties. D’autre part, le législateur a conféré au président et aux vice-présidents de l’Autorité de la concurrence des garanties statutaires équivalentes à celles des autres membres de cette autorité. Enfin, la liberté d’entreprendre n’impose pas que les décisions en cause soient prises par une autorité collégiale.

11. Les dispositions contestées ne portent ainsi pas d’atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre au regard de l’objectif poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance de cette liberté doit donc être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d’incompétence négative et ne méconnaissent ni la liberté contractuelle, ni le droit de propriété, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. – Les mots « , des décisions de révision des mesures mentionnées aux III et IV de l’article L. 430-7 ou des décisions nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures » figurant à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 461-3 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, sont conformes à la Constitution.

Article 2. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 avril 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 20 avril 2018.
ECLI:FR:CC:2018:2018.702.QPC