Saisie d’une demande en ce sens l’administration est obligée de soumettre le litige à la CDI lorsque le désaccord porte sur l’application des règles qui régissent les amortissements et les provisions à la situation particulière du contribuable.

CE, 3e, 8e, 9e et 10e ch. réunies, 9 mai 2018, n° 389563, Lebon

Texte intégral
Conseil d’État

N° 389563
ECLI:FR:CECHR:2018:389563.20180509
Publié au recueil Lebon
3e, 8e, 9e et 10e chambres réunies
Mme Déborah Coricon, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER, avocats

Lecture du mercredi 9 mai 2018REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1106754 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14LY00241 du 5 mars 2015, la cour administrative d’appel de Lyon a, sur appel de M. B…, annulé le jugement du 17 décembre 2013 du tribunal administratif de Lyon et fait droit à sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 16 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt.

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – le rapport de Mme Déborah Coricon, maître des requêtes en service extraordinaire,

 – les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de M. B…;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B… a fait l’objet d’un contrôle sur pièces à l’issue duquel l’administration a réintégré dans ses bénéfices industriels et commerciaux une fraction des amortissements comptabilisés au titre des exercices 2007 et 2008. Par un jugement du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B… tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 à la suite de ces rectifications ainsi que des pénalités correspondantes. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 5 mars 2015 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, faisant droit à l’appel formé par M. B…, a annulé ce jugement et fait droit à la demande de celui-ci.

2. Pour réintégrer les amortissements comptabilisés par M. B…, l’administration fiscale s’est fondée sur le II de l’article 39 C du code général des impôts, aux termes duquel  » 2. En cas de location (…) de biens consentie directement ou indirectement par une personne physique, le montant de l’amortissement de ces biens (…) est admis en déduction du résultat imposable, au titre d’un même exercice, dans la limite du montant du loyer acquis (…), diminué du montant des autres charges afférentes à ces biens (…) « , au motif que l’activité exercée par M. B… portait sur la location de salles de réception, alors que le contribuable soutenait qu’il organisait des événements festifs et des réceptions.

3. Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales :  » L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (…) Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée « . Aux termes du premier alinéa de l’article L. 59 du même livre :  » Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l’administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l’avis (…) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires prévue à l’article 1651 du code général des impôts (…) « . L’article L. 59 A du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure, issue de l’article 26 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, dispose que :  » I. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial (…) déterminé selon un mode réel ; / (…) II. Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d’être pris en compte pour l’examen de cette question de droit. / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la commission peut se prononcer sur le caractère anormal d’un acte de gestion, sur le principe et le montant des amortissements et des provisions ainsi que sur le caractère de charges déductibles des travaux immobiliers « .

4. Il résulte des termes du II de l’article L. 59 A du livre des procédures fiscales que le législateur a entendu rendre la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires compétente pour connaître de tout désaccord persistant entre un contribuable et l’administration portant, en matière de bénéfices industriels et commerciaux, non seulement, en vertu du premier alinéa, sur les faits susceptibles d’être pris en compte pour l’examen d’une question de droit mais aussi, en vertu du second alinéa,  » par dérogation aux dispositions du premier alinéa « , sur le principe et le montant des amortissements et des provisions. En conséquence, saisie d’une demande en ce sens par le contribuable, l’administration doit soumettre le litige à la commission départementale lorsque le désaccord porte sur toute question relative à l’application des règles qui régissent les amortissements et les provisions à la situation particulière du contribuable. L’administration reste libre de ne pas suivre l’avis émis par la commission.

5. Il suit de là que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’administration ne pouvait, sans entacher d’irrégularité la procédure d’imposition, refuser de faire droit à la demande du contribuable tendant à la saisine de la commission départementale du différend qui les opposait, alors même que le litige portait sur la qualification de l’activité exercée par le contribuable au regard du 2 du II de l’article 39 C du code général des impôts, qui, en cas de location de biens consentie par une personne physique, limite le montant des amortissements déductibles au titre d’une année lorsque le montant des charges excède au cours de cette année le montant des loyers perçus. Le pourvoi du ministre doit, dès lors, être rejeté.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B… au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera à M. B… une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’action et des comptes publics et à M. A… B….