1) a) Les recommandations de bonnes pratiques élaborées par la Haute Autorité de santé (HAS) sur la base du 2° de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale (CSS) ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en œuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction.
b) Elles participent, à ce titre, à la réunion et à la mise à disposition de ces professionnels des données acquises de la science, y compris au niveau international, sur lesquelles doivent être fondés les soins qu’ils assurent aux patients, conformément à l’obligation déontologique qui leur incombe en vertu des dispositions du code de la santé publique (CSP) qui leur sont applicables.
Elles ne dispensent pas le professionnel de santé d’entretenir et perfectionner ses connaissances par d’autres moyens et de rechercher, pour chaque patient, la prise en charge qui lui paraît la plus appropriée, en fonction de ses propres constatations et des préférences du patient.
2) a) i) Par suite, il appartient à la HAS de veiller à l’actualisation des recommandations qu’elle a élaborées, en engageant les travaux nécessaires à leur réexamen au vu notamment des données nouvelles publiées dans la littérature scientifique et des évolutions intervenues dans les pratiques professionnelles, lorsque celles-ci doivent conduire à modifier les indications données aux professionnels pour les guider dans le choix des stratégies de soins à retenir.
ii) A défaut, si leur obsolescence peut être source d’erreurs pour les professionnels auxquels elle s’adresse, il lui incombe, selon les cas, d’accompagner leur publication des avertissements appropriés voire de les abroger en en tirant les conséquences pertinentes quant à la publicité qui leur est donnée.
b) En outre, dans l’hypothèse où une recommandation de bonne pratique comporterait, sur un point précis, une recommandation manifestement erronée au regard des données acquises de la science, il lui incombe, alors même que l’engagement de travaux de refonte de l’ensemble de la recommandation ne serait pas justifié, d’en tirer les conséquences, à tout le moins en accompagnant sa publication d’un avertissement sur ce point.
3) a) i) Pour l’examen des vices propres de la décision refusant d’abroger une recommandation de bonnes pratiques de la HAS, le juge se place à la date de cette décision.
ii) Si le collège de la HAS est seul compétent pour décider de l’élaboration ou de la révision d’une recommandation de bonne pratique, pour adopter ou pour abroger une telle recommandation, il résulte toutefois de son règlement intérieur, arrêté sur le fondement de l’article R. 161-77 du CSS, que l’ordre du jour des réunions du collège est arrêté par son président.
Par suite, le président de la HAS a compétence pour rejeter une demande tendant à la modification ou à l’abrogation d’une recommandation de bonne pratique.
b) i) La décision du président de la HAS rejetant une demande tendant à la modification ou à l’abrogation d’une recommandation de bonne pratique ne peut intervenir légalement qu’à la condition que le contenu de cette recommandation n’appelle pas une décision d’engager les travaux nécessaires à son réexamen, de l’abroger en tout ou partie ou d’accompagner sa publication d’un avertissement approprié.
ii) L’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus opposé par la HAS à une demande tendant à l’abrogation ou à la modification de l’une de ses recommandations de bonne pratique réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office en vertu des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative (CJA), de l’abroger, d’engager les travaux nécessaires à son actualisation ou de prendre les mesures utiles pour entourer sa publication des avertissements appropriés.
Il s’ensuit que le Conseil d’Etat doit apprécier la légalité de la recommandation litigieuse au regard des règles de droit et des circonstances de fait applicables à la date à laquelle il statue.
4) a) Recommandation intitulée « Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent » mentionnant la méthode des « 3i » parmi les pratiques qui, au terme d’un accord d’experts, ne sont pas recommandées en raison de « l’absence de données sur leur efficacité, [du] caractère exclusif de leur application et [de] leur absence de fondement théorique », tout en indiquant que « cette position ne doit cependant pas entraver d’éventuels travaux de recherche clinique permettant de juger de l’efficacité et de la sécurité des interventions de développement récent » et en recommandant aux équipes des centres hospitaliers universitaires et des autres organismes ayant une mission de recherche, « face au constat du faible nombre d’études scientifiques permettant de connaître les effets à long terme des interventions éducatives, comportementales et développementales mais aussi de l’absence de données concernant de nombreuses pratiques – émergentes ou non – réalisées en 2011 en France (…) de développer la recherche clinique par des études contrôlées ou par des études de cohorte » devant « prioritairement évaluer l’efficacité et la sécurité des pratiques émergentes récemment décrites (ex. méthode des 3i, etc.) ».
Eu égard au caractère prudent de la recommandation de bonne pratique adoptée par le collège de la HAS en 2012, les études versées à l’instruction ne sont pas de nature à faire regarder la façon dont elle mentionne la méthode des « 3i » comme revêtant, sur ce point précis, un caractère manifestement erroné au regard des données actuellement acquises de la science, rendant illégal le refus de l’abroger ou de la modifier dans cette mesure.
b) Il appartient cependant à la HAS, eu égard à l’évolution des connaissances et des pratiques dans la prise en charge de l’autisme depuis bientôt neuf ans et aux enjeux que comporte cette prise en charge pour les enfants et pour leur famille, de déterminer un cadre et d’élaborer un référentiel méthodologique permettant d’assurer une évaluation indépendante des méthodes telles que celle des « 3i » pour préparer les travaux nécessaires au réexamen de la recommandation de bonne pratique de mars 2012 à bref délai.
5) La requête tendant à l’annulation du refus d’abroger la recommandation est rejetée, dans le dispositif, eu égard expressément à ces derniers motifs.
1. Cf. CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société Fairvesta International GmbH et autres, n°s 368082 368083 368084, p. 76 ; CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société NC Numericable, n° 390023, p. 88.
2. Cf. CE, 27 avril 2011, Association pour une formation médicale indépendante (FORMINDEP), n° 334396, p. 168.
3. Rappr., s’agissant de la compétence du maire pour refuser d’abroger une délibération du conseil municipal, CE, 2 octobre 2013, Mme Vincent, n° 367023, T. pp. 462-463-874.
4. Cf. CE, 10 juin 2020, M. Zdancewicz, n° 435348, à publier au Recueil.
5. Rappr., s’agissant du refus d’abroger un acte réglementaire, CE, Assemblée, 19 juillet 2019, Association des Américains accidentels, n°s 424216 424217, p. 296.