La distance entre un établissement protégé et un débit de boissons se mesure sur les voies de circulation ouvertes au public, suivant l’axe de ces dernières.

CE, 5-6 chr, 1er juill. 2019, n° 419287, Lebon T.
Continuer à lire … « La distance entre un établissement protégé et un débit de boissons se mesure sur les voies de circulation ouvertes au public, suivant l’axe de ces dernières. »

L’agrément d’un armurier présente un caractère personnel qui implique que puissent être prises en compte, pour en justifier le retrait, l’ensemble des circonstances propres à la personne de son détenteur et notamment des défaillances dans la gestion d’un autre établissement confié au même gérant.

CE, 5-6 chr, 24 juill. 2019, n° 428818, Lebon T

Rappr., s’agissant du retrait de l’autorisation de commerce d’armes accordée à une entreprise, décision du même jour, CE, Ministre de l’intérieur c/ M. Boyer et autre, n° 428819, à mentionner aux Tables.

Continuer à lire … « L’agrément d’un armurier présente un caractère personnel qui implique que puissent être prises en compte, pour en justifier le retrait, l’ensemble des circonstances propres à la personne de son détenteur et notamment des défaillances dans la gestion d’un autre établissement confié au même gérant. »

Le film documentaire intitulé « Salafistes » comporte des scènes violentes montrant de nombreuses exactions, assassinats, tortures, amputations, réellement commises par des groupes se revendiquant notamment des organisations Daech et Al-Qaïda au Maghreb islamique et poursuit un objectif d’information et de dénonciation qui concourt à l’établissement et à la diffusion de connaissances sans présenter la violence sous un jour favorable ni la banaliser : eu égard à la nécessité de garantir le respect de la liberté d’information, ce film ne comporte pas de scènes d’incitation à la violence.

CE, 5 avr. 2019, n° 417343, Lebon.

Les dispositions de l’article L. 211-1 du code du cinéma et de l’image animée (CCIA) confèrent au ministre chargé de la culture l’exercice d’une police spéciale fondée sur les nécessités de la protection de l’enfance et de la jeunesse et du respect de la dignité humaine. A cette fin, il lui revient d’apprécier s’il y a lieu d’assortir la délivrance du visa d’exploitation d’une œuvre ou d’un document cinématographique de l’une des restrictions prévues par les articles R. 211-10 et R. 211-12 de ce code.

Saisi d’un recours contre une telle mesure de police, il appartient au juge de l’excès de pouvoir de contrôler le caractère proportionné de la mesure retenue au regard des objectifs poursuivis par la loi.

S’agissant des mesures de classification prévues aux 4° et 5° de l’article R. 211-12 du CCIA, il lui appartient d’apprécier si le film, pris dans son ensemble, revêt un caractère pornographique ou d’incitation à la violence justifiant que la délivrance du visa d’exploitation soit accompagnée d’une interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans avec inscription sur la liste prévue à l’article L. 311-2 du CCIA ou si, alors même qu’il comporte des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence, la manière dont cette œuvre ou ce document est filmée et la nature du thème traité conduisent à limiter la restriction dont est assorti le visa d’exploitation à la seule interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans.

Lorsqu’une œuvre ou un document cinématographique comporte des scènes violentes, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer si la protection de l’enfance et de la jeunesse et le respect de la dignité humaine justifient une des mesures de classification prévues aux 4° et 5° de l’article R. 211-12, la manière dont elles sont filmées, l’effet qu’elles sont destinées à produire sur les spectateurs, notamment de nature à présenter la violence sous un jour favorable ou à la banaliser, enfin, toute caractéristique permettant d’apprécier la mise à distance de la violence et d’en relativiser l’impact sur la jeunesse.

En ce qui concerne les films à caractère documentaire, qui visent à décrire la réalité des situations dont ils portent témoignage et qui ont ainsi pour objet de contribuer à l’établissement et à la diffusion de connaissances, l’appréciation doit être portée par le ministre, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, compte tenu de la nécessité de garantir le respect de la liberté d’information, protégée notamment par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En l’espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le film documentaire intitulé « Salafistes » comporte des scènes violentes montrant de nombreuses exactions, assassinats, tortures, amputations, réellement commises par des groupes se revendiquant notamment des organisations Daech et Al-Qaïda au Maghreb islamique et présente, en parallèle, les propos de plusieurs protagonistes légitimant les actions en cause, menées contre des populations civiles, sans qu’aucun commentaire critique n’accompagne les scènes de violence. Toutefois, ces scènes s’insèrent de manière cohérente dans le propos du film documentaire, dont l’objet est d’informer le public sur la réalité de la violence salafiste en confrontant les discours tenus par des personnes promouvant cette idéologie aux actes de violence commis par des personnes et groupes s’en réclamant. En outre, tant l’avertissement figurant en début de film que la dédicace finale du documentaire aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 sont de nature à faire comprendre, y compris par des spectateurs âgés de moins de dix-huit ans, l’objectif d’information et de dénonciation poursuivi par l’œuvre documentaire, qui concourt ainsi à l’établissement et à la diffusion de connaissances sans présenter la violence sous un jour favorable ni la banaliser. Il en résulte, compte tenu de l’objet du film documentaire et du traitement de la violence qu’il retient, et eu égard à la nécessité de garantir le respect de la liberté d’information, y compris à l’égard de mineurs de dix-huit ans, que les scènes violentes du film documentaire intitulé « Salafistes » ne sont pas de nature à être qualifiées de scènes de « très grande violence » au sens des dispositions du 4° de l’article R.211-12 du CCIA.

1. Cf. CE, 1er juin 2015, Association Promouvoir, n° 372057, p. 178.

Cf. CE, 1er juin 2015, Association Promouvoir, n° 372057, p. 178.

Continuer à lire … « Le film documentaire intitulé « Salafistes » comporte des scènes violentes montrant de nombreuses exactions, assassinats, tortures, amputations, réellement commises par des groupes se revendiquant notamment des organisations Daech et Al-Qaïda au Maghreb islamique et poursuit un objectif d’information et de dénonciation qui concourt à l’établissement et à la diffusion de connaissances sans présenter la violence sous un jour favorable ni la banaliser : eu égard à la nécessité de garantir le respect de la liberté d’information, ce film ne comporte pas de scènes d’incitation à la violence. »

L’expiration du délai d’un an dont dispose le préfet pour décider, après avoir ordonné la remise d’une arme, la restitution ou la saisine définitive de celle-ci ne le prive pas de la possibilité de prendre l’une ou l’autre de ces décisions, mais ouvre seulement à l’intéressé la possibilité de rechercher la responsabilité de l’Etat au titre des préjudices que le retard apporté à la décision a pu lui causer.

CE, 5e et 6e ch. réunies, 28 mars 2019, n° 421468, Lebon T

Continuer à lire … « L’expiration du délai d’un an dont dispose le préfet pour décider, après avoir ordonné la remise d’une arme, la restitution ou la saisine définitive de celle-ci ne le prive pas de la possibilité de prendre l’une ou l’autre de ces décisions, mais ouvre seulement à l’intéressé la possibilité de rechercher la responsabilité de l’Etat au titre des préjudices que le retard apporté à la décision a pu lui causer. »

Les travaux de remise en état d’un terrain non bâti que le maire d’une commune peut faire exécuter d’office à leurs frais par leur propriétaire ou ses ayants droit peuvent porter sur les terrains situés à l’intérieur d’une zone d’habitation ou sur les terrains situés à une distance maximum de 50 mètres d’habitations, dépendances, chantiers, ateliers ou usines

CE, 3e – 8e ch. réunies, 26 juill. 2018, n° 399746, Lebon T

Analyse

Il résulte de l’article L. 2213-25 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que les travaux de remise en état d’un terrain non bâti que le maire d’une commune peut faire exécuter d’office à leurs frais par leur propriétaire ou ses ayants droit portent sur les terrains situés à l’intérieur d’une zone d’habitation ou sur les terrains situés à une distance maximum de 50 mètres d’habitations, dépendances, chantiers, ateliers ou usines…. ,,Par suite, une cour administrative d’appel commet une erreur de droit en se bornant à examiner si une parcelle sur laquelle ont été exécutés d’office des travaux de défrichement était située à l’intérieur d’une zone d’habitation, sans rechercher si elle n’était pas située à une distance maximum de 50 mètres d’habitations, dépendances, chantiers, ateliers ou usines.

Texte intégral
Conseil d’État

N° 399746
ECLI:FR:CECHR:2018:399746.20180726
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3e – 8e chambres réunies
M. Christian Fournier, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP BRIARD ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats

Lecture du jeudi 26 juillet 2018REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme E… F…, Mme D… B… épouse A… et M. C… B… ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler le titre exécutoire n° 4778 d’un montant de 1 100,77 euros émis le 7 septembre 2012 par la commune de Perpignan à l’encontre de Mme F… relatif au remboursement de travaux de débroussaillage. Par un jugement n° 1204948 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15MA00498 du 22 février 2016, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu’il a rejeté la demande de Mme F…, a annulé le titre exécutoire émis le 7 septembre 2012 par le maire de Perpignan, a déchargé Mme F… de l’obligation de payer la somme de 1 100,77 euros mise à sa charge par le titre exécutoire et a rejeté les conclusions d’appel de Mme B… épouse A… et de M. B… ainsi que le surplus des conclusions de la commune et de Mme F….

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 mai 2016 et le 3 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Perpignan demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt ainsi que l’article 3 dans la mesure où il lui fait grief ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la requête de Mme F…;

3°) de mettre à la charge de Mme F… une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

 – les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Briard, avocat de la commune de Perpignan et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de Mme F…;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Perpignan a émis le 7 septembre 2012 à l’encontre de Mme F… un titre exécutoire d’un montant de 1 100,77 euros pour obtenir le remboursement de travaux de débroussaillage qu’elle a fait exécuter d’office sur une partie de la parcelle cadastrée section HL 0095 appartenant, de manière indivise, à Mme F…, à Mme B… épouse A… et à M. B…. Par un jugement du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande des propriétaires de cette parcelle tendant à l’annulation de ce titre exécutoire. La commune de Perpignan se pourvoit en cassation contre les articles 1er et 2 de l’arrêt du 14 mars 2016 de la cour administrative d’appel de Marseille par lesquels elle a annulé le jugement rejetant la demande de Mme F…, annulé le titre exécutoire émis le 7 septembre 2012 et déchargé Mme F… de l’obligation de payer la somme de 1 100,77 euros et l’article 3 en tant qu’il met à sa charge le paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l’article L. 2213-25 du code général des collectivités territoriales :  » Faute pour le propriétaire ou ses ayants droit d’entretenir un terrain non bâti situé à l’intérieur d’une zone d’habitation ou à une distance maximum de 50 mètres des habitations, dépendances, chantiers, ateliers ou usines lui appartenant, le maire peut, pour des motifs d’environnement, lui notifier par arrêté l’obligation d’exécuter, à ses frais, les travaux de remise en état de ce terrain après mise en demeure. / Si, au jour indiqué par l’arrêté de mise en demeure, les travaux de remise en état du terrain prescrits n’ont pas été effectués, le maire peut faire procéder d’office à leur exécution aux frais du propriétaire ou de ses ayants droit. / Si le propriétaire ou, en cas d’indivision, un ou plusieurs des indivisaires n’ont pu être identifiés, la notification les concernant est valablement faite à la mairie. / Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article « . Il résulte de ces dispositions que les travaux de remise en état d’un terrain non bâti que le maire d’une commune peut faire exécuter d’office à leurs frais par leur propriétaire ou ses ayants droit portent sur les terrains situés à l’intérieur d’une zone d’habitation ou sur les terrains situés à une distance maximum de 50 mètres d’habitations, dépendances, chantiers, ateliers ou usines.

3. Pour annuler le titre exécutoire adressé à Mme F… et la décharger du paiement des sommes mises à sa charge, alors qu’elle avait relevé que la parcelle cadastrée section HL 0095, dépourvue de toute construction, jouxtait dans sa partie nord une zone de lotissement, la cour a commis une erreur de droit en se bornant à examiner si cette parcelle était située à l’intérieur d’une zone d’habitation, sans rechercher si elle n’était pas située à une distance maximum de 50 mètres d’habitations, dépendances, chantiers, ateliers ou usines. Dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la commune est fondée à demander l’annulation des articles 1er et 2 de l’arrêt qu’elle attaque ainsi que de l’article 3 en tant qu’il met à sa charge le paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme F… la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Perpignan au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Perpignan, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 14 mars 2016 ainsi que son article 3 en tant qu’il met à la charge de la commune de Perpignan le paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont annulés.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille dans la mesure de la cassation prononcée.

Article 3 : Mme F… versera une somme de 3 000 euros à la commune de Perpignan au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de Mme F… présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5: La présente décision sera notifiée à la commune de Perpignan et à Mme E… F….

Copie en sera adressée à Mme D… B…, épouseA…, et à M. C… B….

Le Conseil d’Etat précise, d’une part, les modalités du contrôle exercé par le juge sur les autorisations environnementales, créées par l’ordonnance du 26 janvier 2017, ainsi que sur les autorisations uniques, créées par l’ordonnance du 20 mars 2014, et, d’autre part, les exigences en matière de capacités techniques et financières des exploitants d’ICPE.

CE, 6e et 5e ch. réunies, 26 juill. 2018, n° 416831, Lebon

Analyse

1) Si, en application du 1° de l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, les autorisations uniques délivrées au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement sont considérées, depuis le 1er mars 2017, comme des autorisations environnementales, il revient au juge administratif, lorsqu’il est saisi d’une contestation contre une autorisation unique, d’en apprécier la légalité au regard des règles de procédure relatives aux autorisations uniques applicables à la date de sa délivrance. Par ailleurs, lorsqu’il estime qu’une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu’elles n’aient pas eu pour effet de nuire à l’information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n’est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe afin de permettre à l’administration de régulariser l’illégalité par une autorisation modificative.

2) L’article 2 de l’ordonnance du 20 mars 2014 dispose que l’autorisation unique vaut permis de construire au titre de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme. En revanche, il résulte des dispositions de l’article L. 181-2 du code de l’environnement, issu de l’article 1er de l’ordonnance du 26 janvier 2017, que l’autorisation environnementale, contrairement à l’autorisation unique, ne tient pas lieu du permis de construire le cas échéant requis. Il en résulte que l’autorisation unique, alors même qu’elle doit être regardée comme une autorisation environnementale depuis le 1er mars 2017, continue également à produire ses effets en tant qu’elle vaut permis de construire. Le juge, saisi de moyen dirigés contre l’autorisation unique en tant qu’elle vaut permis de construire, statue alors comme juge de l’excès de pouvoir sur cette partie de l’autorisation.

3) Les articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l’environnement modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), antérieurement définies à l’article L. 512-1 de ce code. Il en résulte qu’une autorisation d’exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu’ils posent ne sont pas remplies.

a) Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l’autorisation avant la mise en service de l’installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l’exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu’il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code.

b) Lorsque le juge se prononce après la mise en service de l’installation, il lui appartient de vérifier la réalité et le caractère suffisant des capacités financières et techniques du pétitionnaire ou, le cas échéant, de l’exploitant auquel il a transféré l’autorisation.

c) En outre, il résulte des règles de procédure prévues par les mêmes dispositions que le dossier d’une demande d’autorisation déposée depuis le 1er mars 2017 ne doit plus comporter des indications précises et étayées sur les capacités techniques et financières exigées par l’article L. 181-27 mais seulement une présentation des modalités prévues pour établir ces capacités, si elles ne sont pas encore constituées.

4) Postérieurement à la délivrance de l’autorisation, le préfet peut à tout moment, en application des articles L. 181-3, L. 181-14 et R. 181-45 du code de l’environnement, prescrire, par arrêté complémentaire, la fourniture de précisions ou la mise à jour des informations relatives aux capacités techniques et financières de l’exploitant.

En outre, en vertu de l’article L. 171-8 du code de l’environnement, en cas d’inobservation des prescriptions, le préfet met en demeure la personne à laquelle incombe l’obligation d’y satisfaire dans un délai déterminé. Si, à l’expiration du délai imparti, il n’a pas été déféré à la mise en demeure, le préfet peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives définies par cette disposition.

Enfin, l’article R. 181-52 du code de l’environnement ne fait pas obstacle à ce que les tiers puissent agir auprès du préfet s’ils estiment que l’exploitant ne justifie pas disposer des capacités techniques et financières exigées par l’article L. 181-27 du code de l’environnement, et contester devant le juge administratif l’éventuel refus du préfet de prendre les mesures qu’ils estiment nécessaires.

1. Cf. CE, 22 septembre 2014, Syndicat mixte pour l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères (SIETOM) de la région de Tournan-en-Brie, n° 367889, p. 753 ; CE, 16 décembre 2016, Société Ligérienne Granulats SA et ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, n°s 391452, 391688, T. p. 566 ; CE, 22 mars 2018, Association Novissen et autres, n° 415852, à publier au Recueil.

2. Comp., avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, CE, 22 février 2016, Société Hambregie, n° 384821, T. p. 842.

Texte intégral

Conseil d’État

N° 416831
ECLI:FR:CECHR:2018:416831.20180726
Publié au recueil Lebon
6e et 5e chambres réunies
M. Didier Ribes, rapporteur
BALAT ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats

Lecture du jeudi 26 juillet 2018REPUBLIQUE FRANCAISE

Vu le jugement n° 1602467 du 14 décembre 2017, enregistré le 26 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, par lequel le tribunal administratif de Lille, avant de statuer sur la requête de l’association  » Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis « , de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de France, de M. L… Y…, Mme AK… H…-AL…, M. F… H…, M. AH… AD…, M. G… AE…, Mme R… AE…, Mme Q… S…, Mme AG… E…, M. AI… E…, Mme B… U…-AO…, M. AA… U…, M. J… T…, Mme V… I…-AM…, M. A… I…, Mme AF… K…, M. X… C…, M. M… N…, Mme P… O…-AN…, M. D… O…, M. AB… W…, Mme AC… W…-C… et Mme Z… AJ… tendant à l’annulation de l’arrêté du 26 janvier 2016 du préfet du Nord portant autorisation unique d’exploiter une installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent de six aérogénérateurs dit parc éolien Le Bois de Saint-Aubert, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’État, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) Les dispositions de l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 doivent-elles être lues comme imposant à la juridiction administrative saisie d’une contestation contre une autorisation unique délivrée au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014, lorsqu’elle statue après le 1er mars 2017, d’apprécier la légalité de cette autorisation unique au regard des règles de procédure relatives aux autorisations environnementales applicables depuis cette date ‘

2°) Par ailleurs, quelles conséquences la juridiction administrative saisie d’une contestation contre une autorisation unique délivrée pour un projet d’installations éoliennes terrestres au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014, valant permis de construire, doit-elle tirer de l’application des dispositions de l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 lorsqu’elle statue après le 1er mars 2017, alors qu’un tel permis n’est plus requis pour de telles installations depuis cette date, comme en dispose le nouvel article R. 425-29-2 du code de l’urbanisme ‘ Doit-elle en particulier considérer que les moyens soulevés à l’encontre de l’autorisation unique en tant qu’elle vaut permis de construire sont devenus inopérants ‘

3°) En cas de réponse positive à l’une ou l’autre des questions précédentes, et en l’absence d’habilitation législative expresse en ce sens, les auteurs de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 pouvaient-ils prévoir une application rétroactive à des autorisations uniques des règles procédurales entourant l’instruction des demandes et la délivrance des autorisations environnementales et / ou de dispositions aux termes desquelles un permis de construire n’est pas nécessaire s’agissant d’installations éoliennes terrestres ‘ À défaut, et en l’absence de ratification législative, la juridiction administrative doit-elle se saisir d’office d’un moyen tiré de l’inapplicabilité des dispositions de l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 au litige dont elle est saisie ‘

4°) Selon quelles modalités doit s’effectuer le contrôle des capacités techniques et financières du pétitionnaire prévues aux articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l’environnement résultant de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 et de ses textes d’application, qui autorisent le bénéficiaire d’une autorisation environnementale en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement à justifier de ses capacités financières jusqu’à la mise en service de l’installation, en sachant qu’il résulte des dispositions des articles R. 181-50 et R. 181-52 du code de l’environnement entrées en vigueur le 1er mars 2017 que ne peuvent plus être contestées par les tiers, au moment de cette mise en service, que l’insuffisance ou l’inadaptation des prescriptions définies dans l’autorisation ‘

Des observations, enregistrées le 22 janvier 2018, ont été présentées par la société Les Vents du Sud Cambrésis.

Des observations, enregistrées le 20 février 2018, ont été présentées par l’Association  » Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis « , la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de France, M. L… Y…, Mme AK… H…-AL…, M. F… H…, M. AH… AD…, M. G… AE…, Mme R… AE…, Mme Q… S…, Mme AG… E…, M. AI… E…, Mme B… U…-AO…, M. AA… U…, M. J… T…, Mme V… I…-AM…, M. A… I…, Mme AF… K…, M. X… C…, M. M… N…, Mme P… O…-AN…, M. D… O…, M. AB… W…, Mme AC… W…-C… et Mme Z… AJ….

Un mémoire, enregistré le 21 février 2018, a été présenté par l’association France énergie éolienne.

Des observations, enregistrées le 8 mars 2018, ont été présentées par le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
– l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
– le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 ;
– le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

 – les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

 – La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de l’association  » Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambresis  » et autres, à Me Balat, avocat de la société Les Vents du Sud Cambrésis, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de l’association France énergie éolienne.

REND L’AVIS SUIVANT

1. Les dispositions de l’ordonnance du 26 janvier 2017, codifiées aux articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement, instituent une autorisation environnementale dont l’objet est de permettre qu’une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu’elles précisent.

Sur les règles de procédure applicables aux autorisations uniques :

2. L’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017 précise les conditions d’entrée en vigueur de ces dispositions :  » Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l’article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d’autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement, ou de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (…) « . Sous réserve des dispositions de son article 15 précité, l’article 16 de la même ordonnance abroge les dispositions de l’ordonnance du 20 mars 2014 relatives à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement.

3. Il résulte de ces dispositions que l’ordonnance du 26 janvier 2017 n’a ni pour objet, ni pour effet de modifier rétroactivement les dispositions régissant la procédure de délivrance des autorisations uniques prévue par l’ordonnance du 20 mars 2014.

4. En vertu de l’article L. 181-17 du code de l’environnement, issu de l’article 1er de l’ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l’autorisation environnementale est soumise, comme l’autorisation l’unique l’était avant elle ainsi que les autres autorisations mentionnées au 1° de l’article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et celui des règles de fond régissant l’installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d’urbanisme qui s’apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l’autorisation.

5. Si, en application du 1° de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017, les autorisations uniques délivrées au titre de l’ordonnance du 20 mars 2014 sont considérées, depuis le 1er mars 2017, comme des autorisations environnementales, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 qu’il revient au juge administratif, lorsqu’il est saisi d’une contestation contre une autorisation unique, d’en apprécier la légalité au regard des règles de procédure relatives aux autorisations uniques applicables à la date de sa délivrance.

6. Par ailleurs, lorsqu’il estime qu’une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu’elles n’aient pas eu pour effet de nuire à l’information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n’est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, créé par l’article 1er de l’ordonnance du 26 janvier 2017, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe afin de permettre à l’administration de régulariser l’illégalité par une autorisation modificative.

7. Il y a lieu de répondre en ce sens à la première question posée par le tribunal administratif de Lille.

Sur le recours dirigé contre une autorisation unique en tant qu’elle vaut permis de construire :

8. L’article 2 de l’ordonnance du 20 mars 2014 dispose que l’autorisation unique vaut permis de construire au titre de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme. En revanche, il résulte des dispositions de l’article L. 181-2 du code de l’environnement, issu de l’article 1er de l’ordonnance du 26 janvier 2017, que l’autorisation environnementale, contrairement à l’autorisation unique, ne tient pas lieu du permis de construire le cas échéant requis. Il en résulte que l’autorisation unique, alors même qu’elle doit être regardée comme une autorisation environnementale depuis le 1er mars 2017, continue également à produire ses effets en tant qu’elle vaut permis de construire. Le juge, saisi de moyens dirigés contre l’autorisation unique en tant qu’elle vaut permis de construire, statue alors comme juge de l’excès de pouvoir sur cette partie de l’autorisation.

9. S’il résulte de l’article R. 425-29-2 du code de l’urbanisme, issu de l’article 11 du décret du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale, qu’un permis de construire n’est plus requis pour un projet d’installation d’éoliennes terrestres depuis le 1er mars 2017, ces dispositions sont, toutefois, sans incidence sur la légalité des autorisations uniques, qui ont été délivrées avant leur entrée en vigueur.

10. Il y a lieu de répondre en ce sens à la deuxième question posée par le tribunal administratif de Lille.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la troisième question posée par le tribunal administratif est sans objet.

Sur le contrôle des capacités techniques et financières du bénéficiaire d’une autorisation environnementale :

12. En premier lieu, aux termes de l’article L. 181-27 du code de l’environnement, issu de l’ordonnance du 26 janvier 2017 :  » L’autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 et d’être en mesure de satisfaire aux obligations de l’article L. 512-6-1 lors de la cessation d’activité « . L’article D. 181-15-2 du même code, issu du décret du 26 janvier 2017, dispose que :  » Lorsque l’autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l’article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. – Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (…) / 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l’article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d’autorisation, les modalités prévues pour les établir. Dans ce dernier cas, l’exploitant adresse au préfet les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l’installation (…) « . Ces dispositions modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement antérieurement définies à l’article L. 512-1 du code de l’environnement.

13. Il résulte de ces dispositions qu’une autorisation d’exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu’elles posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l’autorisation avant la mise en service de l’installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l’exploitation et de la remise en état du site, au regard des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu’il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code. Lorsque le juge se prononce après la mise en service de l’installation, il lui appartient de vérifier la réalité et le caractère suffisant des capacités financières et techniques du pétitionnaire ou, le cas échéant, de l’exploitant auquel il a transféré l’autorisation.

14. En outre, il résulte des règles de procédure prévues par les mêmes dispositions que le dossier d’une demande d’autorisation déposée depuis le 1er mars 2017 ne doit plus comporter des indications précises et étayées sur les capacités techniques et financières exigées par l’article L. 181-27 mais seulement une présentation des modalités prévues pour établir ces capacités, si elles ne sont pas encore constituées.

15. En second lieu, le I de l’article L. 181-3 du code l’environnement dispose que :  » L’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les ca. « . Aux termes de l’article L. 181-14 du même code :  » L’autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l’occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s’il apparaît que le respect de ces dispositions n’est pas assuré par l’exécution des prescriptions préalablement édictées « . L’article R. 181-45 précise que les arrêtés complémentaires  » peuvent prescrire, en particulier, la fourniture de précisions ou la mise à jour des informations prévues à la section 2 « , cette dernière, relative à la demande d’autorisation, comportant notamment la description des capacités techniques et financières. Ainsi, postérieurement à la délivrance de l’autorisation, le préfet peut à tout moment, en application de ces dispositions, prescrire, par arrêté complémentaire, la fourniture de précisions ou la mise à jour des informations relatives aux capacités techniques et financières de l’exploitant.

16. En outre, en vertu de l’article L. 171-8 du code de l’environnement, en cas d’inobservation des prescriptions citées au point 12, le préfet met en demeure la personne à laquelle incombe l’obligation d’y satisfaire dans un délai déterminé. Si, à l’expiration du délai imparti, il n’a pas été déféré à la mise en demeure, le préfet peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives définies par cette disposition.

17. Enfin, l’article R. 181-52 du code de l’environnement, créé par le décret du 26 janvier 2017, dispose que :  » Les tiers intéressés peuvent déposer une réclamation auprès du préfet, à compter de la mise en service du projet autorisé, aux seules fins de contester l’insuffisance ou l’inadaptation des prescriptions définies dans l’autorisation, en raison des inconvénients ou des dangers que le projet autorisé présente pour le respect des intérêts mentionnés à l’article L. 181-3. / Le préfet dispose d’un délai de deux mois, à compter de la réception de la réclamation, pour y répondre de manière motivée. A défaut, la réponse est réputée négative. / S’il estime la réclamation fondée, le préfet fixe des prescriptions complémentaires dans les formes prévues à l’article R. 181-45 « . Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les tiers puissent agir auprès du préfet s’ils estiment que l’exploitant ne justifie pas disposer des capacités techniques et financières exigées par l’article L. 181-27 du code de l’environnement, et contester devant le juge administratif l’éventuel refus du préfet de prendre les mesures qu’ils estiment nécessaires.

18. Il y a lieu de répondre en ce sens à la quatrième question du tribunal administratif.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Lille, à l’association  » Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis « , première dénommée, pour tous ses cosignataires, à la société Les Vents du Sud Cambrésis, au ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire et à l’association France énergie éolienne.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.

Régularité du décret n° 2017-757 du 3 mai 2017 relatif aux enquêtes administratives prévues par l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure concernant les affectations et les recrutements dans certaines entreprises de transport

CE, 2e et 7e ch. réunies, 1er juin 2018, n° 412161, Lebon T

Texte intégral

Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 5 juillet et 5 octobre 2017 et le 26 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Confédération générale du travail et la Fédération CGT des cheminots demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-757 du 3 mai 2017 relatif aux enquêtes administratives prévues par l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure concernant les affectations et les recrutements dans certaines entreprises de transport ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu : – la Constitution ;  – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;  – le code de la sécurité intérieure ; – le code des relations entre le public et l’administration ; – la décision du 16 février 2018 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux n’a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Confédération générale du travail et autre ;  – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d’Etat en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Confédération générale du travail et de la Fédération CGT des cheminots ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs et de la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique :  » Les décisions de recrutement et d’affectation concernant les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d’une entreprise de transport public de personnes ou d’une entreprise de transport de marchandises dangereuses soumise à l’obligation d’adopter un plan de sûreté peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes intéressées n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées. / Si le comportement d’une personne occupant un emploi mentionné au premier alinéa laisse apparaître des doutes sur la compatibilité avec l’exercice des missions pour lesquelles elle a été recrutée ou affectée, une enquête administrative peut être menée à la demande de l’employeur ou à l’initiative de l’autorité administrative. / L’autorité administrative avise sans délai l’employeur du résultat de l’enquête. / La personne qui postule pour une fonction mentionnée au même premier alinéa est informée qu’elle est susceptible, dans ce cadre, de faire l’objet d’une enquête administrative dans les conditions du présent article. / L’enquête précise si le comportement de cette personne donne des raisons sérieuses de penser qu’elle est susceptible, à l’occasion de ses fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l’ordre publics. / L’enquête peut donner lieu à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification. / Lorsque le résultat d’une enquête réalisée en application du deuxième alinéa du présent article fait apparaître, le cas échéant après l’exercice des voies de recours devant le juge administratif dans les conditions fixées au neuvième alinéa, que le comportement du salarié concerné est incompatible avec l’exercice des missions pour lesquelles il a été recruté ou affecté, l’employeur lui propose un emploi autre que ceux mentionnés au premier alinéa et correspondant à ses qualifications. En cas d’impossibilité de procéder à un tel reclassement ou en cas de refus du salarié, l’employeur engage à son encontre une procédure de licenciement. Cette incompatibilité constitue la cause réelle et sérieuse du licenciement, qui est prononcé dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel. / L’employeur peut décider, à titre conservatoire et pendant la durée strictement nécessaire à la mise en oeuvre des suites données au résultat de l’enquête qui lui est communiqué par l’autorité administrative, de retirer le salarié de son emploi, avec maintien du salaire. / Le salarié peut contester, devant le juge administratif, l’avis de l’autorité administrative dans un délai de quinze jours à compter de sa notification et, de même que l’autorité administrative, interjeter appel puis se pourvoir en cassation dans le même délai. Les juridictions saisies au fond statuent dans un délai de deux mois. La procédure de licenciement ne peut être engagée tant qu’il n’a pas été statué en dernier ressort sur ce litige. / Le présent article est applicable aux salariés des employeurs de droit privé, ainsi qu’au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé ou régi par un statut particulier, recrutés ou affectés sur les emplois mentionnés au premier alinéa. / Un décret en Conseil d’Etat fixe la liste des fonctions concernées et détermine les modalités d’application du présent article «  ; que le décret du 3 mai 2017, dont la Confédération générale du travail et la Fédération CGT des cheminots demandent l’annulation pour excès de pouvoir, a été pris pour permettre l’application de ces dispositions législatives ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 22 de la Constitution :  » Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution «  ; que les ministres chargés de l’exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l’exécution des actes en cause ; qu’aucune disposition du décret attaqué n’appelle de mesure d’exécution que le ministre chargé des transports serait compétent pour signer ou contresigner ; qu’il suit de là que le moyen tiré du défaut de contreseing de ce ministre ne peut qu’être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure ont réservé la possibilité de diligenter les enquêtes administratives qu’il prévoit lorsque sont en cause des emplois qui sont  » en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d’une entreprise de transport public de personnes ou d’une entreprise de transport de marchandises dangereuses soumise à l’obligation d’adopter un plan de sûreté «  ; que, contrairement à ce qui est soutenu, relèvent de ce type d’emplois ceux des agents chargés  » du contrôle et de la commande des installations de sécurité du réseau ferroviaire ou guidé « , comme les aiguilleurs, les gestionnaires des mouvements des trains ou les agents en fonction dans un poste central de commandement ou dans un poste de régulation visés au a) du 1° de l’article R. 114-7 du code de la sécurité intérieure résultant de l’article 1er du décret attaqué ; qu’il en va de même, en raison des caractéristiques et des risques particuliers que présente le transport par navire, pour l’ensemble du personnel embarqué à bord des navires à passagers, visés au f) du 1° du même article ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait méconnu le champ d’application de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure en inscrivant ces deux catégories d’emplois sur la liste de ceux qui sont susceptibles de donner lieu aux enquêtes administratives prévues par cet article ne peut qu’être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, que l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure a déterminé les cas dans lesquels les décisions de recrutement et d’affectation dans les entreprises de transport public de personnes ou les entreprises de transport de marchandises dangereuses peuvent être précédées d’une enquête administrative ; que l’article R. 114-8 du code de la sécurité intérieure résultant du décret attaqué fixe les modalités selon lesquelles l’employeur peut demander au ministre de l’intérieur de faire procéder à une enquête administrative ; qu’une telle enquête, ainsi qu’il résulte de la loi, peut être effectuée à l’égard de toute personne devant être recrutée ou affectée sur l’un des emplois énumérés par le décret attaqué, afin de vérifier que son comportement ne donne pas de raisons sérieuses de penser qu’elle est susceptible, à l’occasion de ses fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l’ordre publics ; que le décret attaqué, contrairement à ce qui est soutenu, n’avait pas à définir d’autre élément ou critère devant être pris en considération par l’employeur pour demander qu’il soit procédé à une enquête préalablement aux décisions de recrutement ou d’affectation ; que, pour le cas d’une personne occupant déjà l’un des emplois énumérés par le décret attaqué, l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure subordonne le déclenchement d’une enquête administrative à la condition que le comportement de cette personne laisse apparaître des doutes sur sa compatibilité avec l’exercice de ses missions ; que c’est, par suite, pour permettre l’application de ces dispositions que le II de l’article R. 114-8, résultant du décret attaqué, a précisé que l’employeur doit faire part à l’autorité administrative des éléments circonstanciés qui ont justifié les doutes et la demande d’enquête ;

5. Considérant que les dispositions de l’article L. 114-2 et celles, prises pour son application, de l’article R. 114-8 du code de la sécurité intérieure sont, eu égard aux risques particuliers présentés par les transports publics de personnes ou le transport de marchandises dangereuses, justifiées par les exigences de la sûreté publique ; qu’elles ne portent pas d’atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que la possibilité d’effectuer, pour des raisons de sécurité, les enquêtes administratives prévues par l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure ne constitue pas une sanction ayant le caractère d’une punition à l’égard de laquelle pourrait être invoqué l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; que le principe général des droits de la défense n’implique pas, eu égard à l’objet de ces enquêtes et à leur portée, que la personne faisant l’objet d’une telle enquête en soit avertie et soit mise à même de présenter ses observations avant que l’autorité administrative n’émette son avis au vu du résultat de l’enquête ; qu’au demeurant, l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure a organisé une procédure particulière permettant de contester devant le juge administratif l’avis finalement émis par l’autorité administrative, procédure dont l’engagement peut en outre être précédé, en vertu de l’article R. 114-10 du même code résultant du décret attaqué, d’un recours administratif formé devant le ministre de l’intérieur ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la Confédération générale du travail et la Fédération CGT des cheminots ne sont pas fondées à demander l’annulation pour excès de pouvoir du décret qu’elles attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu’être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Confédération générale du travail et de la Fédération CGT des cheminots est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail, premier requérant dénommé, au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et au Premier ministre.
Copie sera transmise au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Les établissements et installations dont l’accès peut être interdit sur le fondement de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure (accueillant certains grands évènements exposés à un risque exceptionnel de menace terroriste) s’entendent de ceux qui accueillent un grand évènement, à l’exclusion de tout autre local et des voies publiques permettant d’y accéder.

CE, 10e – 9e ch. réunies, 21 févr. 2018, n° 414827, Lebon T

Texte intégral
Conseil d’État

N° 414827
ECLI:FR:CECHR:2018:414827.20180221
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10e – 9e chambres réunies
M. Paul-François Schira, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats

 

Lecture du mercredi 21 février 2018REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 4 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Ligue des droits de l’Homme demande au Conseil d’Etat, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l’appui de sa requête tendant à l’annulation du décret n° 2017-1224 du 3 août 2017 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé  » Automatisation de la consultation centralisée de renseignements et de données « , de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure.

 

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :

– la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
– le code de la sécurité intérieure, notamment son article L. 211-11-1 ;
– la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
– le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Paul-François Schira, auditeur,

– les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Ligue des droits de l’Homme ;

 

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel :  » Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé […] à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat […] « . Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure dispose que :  » Les grands événements exposés, par leur ampleur ou leurs circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste sont désignés par décret. Ce décret désigne également les établissements et les installations qui accueillent ces grands événements ainsi que leur organisateur. / L’accès de toute personne, à un autre titre que celui de spectateur ou de participant, à tout ou partie des établissements et installations désignés par le décret mentionné au premier alinéa est soumis à autorisation de l’organisateur pendant la durée de cet événement et de sa préparation. L’organisateur recueille au préalable l’avis de l’autorité administrative rendu à la suite d’une enquête administrative qui peut donner lieu à la consultation, selon les règles propres à chacun d’eux, de certains traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification. Un avis défavorable ne peut être émis que s’il ressort de l’enquête administrative que le comportement ou les agissements de la personne sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat. / Un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés fixe les modalités d’application du présent article, notamment la liste des fichiers mentionnés au deuxième alinéa pouvant faire l’objet d’une consultation, les catégories de personnes concernées et les garanties d’information ouvertes à ces personnes « .

3. L’association requérante fait valoir, à l’appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, qu’en s’abstenant, d’une part, de prévoir une définition suffisamment précise des notions de  » grands événements  » et  » d’organisateur  » de tels événements, d’autre part, d’assortir les pouvoirs des organisateurs de garanties appropriées et, enfin, d’encadrer les conditions de création et de consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel destinés à la réalisation des enquêtes administratives qu’il permet, le législateur a entaché l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure d’une incompétence négative affectant le droit au respect de la vie privée, la liberté d’aller et venir ainsi que le droit à un recours effectif garantis par les articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Elle soutient, par ailleurs, que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée à ces mêmes droits.

4. D’une part, les dispositions de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure imposent au pouvoir réglementaire, pour chaque mise en oeuvre du régime d’autorisation qu’elles créent, de procéder par décret, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, premièrement, à la désignation du grand événement concerné, qui doit être exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste, deuxièmement, à l’identification de la personne physique ou morale, de droit public ou de droit privé, chargée de son organisation et donc de la délivrance des autorisations d’accès, troisièmement, à la délimitation précise de la durée de préparation et de déroulement du grand événement et, quatrièmement, à la désignation des établissements et installations qui accueillent ce grand événement et dont l’accès peut être interdit, à l’exclusion de tout autre local et des voies publiques permettant d’y accéder.

5. D’autre part, si ces dispositions obligent l’organisateur à recueillir, préalablement à sa décision sur la demande d’autorisation d’accès, un avis de l’autorité administrative rendu à la suite d’une enquête administrative pouvant donner lieu à la consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel, elles précisent que les traitements ainsi concernés sont ceux relevant de l’article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exclusion des fichiers d’identification, et que leur consultation a pour seul objet de vérifier que ne sont pas de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat le comportement ou les agissements des personnes, à l’exclusion des spectateurs et des participants, dont l’activité requiert qu’elles accèdent aux établissements et installations accueillant le grand événement. Ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet d’autoriser la création de nouveaux traitements automatisés, de permettre à l’administration de communiquer à l’organisateur du grand événement d’autres informations que le sens de son avis, lequel ne peut être défavorable que pour les motifs précédemment rappelés, ou encore de limiter le droit des personnes concernées à contester devant le juge compétent le refus d’autorisation qui leur aurait été opposé.

6. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les dispositions de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure sont entachées d’une incompétence négative privant de garanties légales les exigences constitutionnelles relatives à l’exercice de la liberté d’aller et venir, au droit au respect de la vie privée et au droit au recours effectif ne soulève pas de question sérieuse de constitutionnalité.

7. Il résulte également de ce qui a été dit plus haut quant aux garanties dont le législateur a entouré la création du régime d’autorisation d’accès aux établissements et installations accueillant certains grands événements qu’eu égard à la nécessité de sauvegarder l’ordre public, les dispositions de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure ne soulèvent aucune question sérieuse de constitutionnalité au regard de la liberté d’aller et venir, du droit au respect de la vie privée et du droit au recours effectif.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions contestées, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

 

D E C I D E :
————–

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure n’est pas renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et à la Ligue des droits de l’Homme.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.

Dissolution d’une association provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes (6° de l’art. L. 212-1 du CSI)

CE, 10e – 9e ch. réunies, 26 janv. 2018, n° 412312, Lebon T.

Décret de dissolution d’une association assurant la gestion d’une mosquée.

La note blanche versée au dossier et les transcriptions de prêche fournies en défense par cette association font état de ce que l’imam de cette mosquée et son adjoint, respectivement président et membre du conseil d’administration de l’association, prêchaient au sein de la mosquée, avant la fermeture de celle-ci par un arrêté préfectoral, un islamisme radical, marqué par une forte hostilité à l’égard des chrétiens, des juifs et des chiites, prônant un rejet des valeurs et de certaines lois de la République. Ils affichaient dans ces prêches leur soutien au djihad armé et à certains membres d’une cellule terroriste ayant fréquenté régulièrement la mosquée, poursuivis pour avoir perpétré un attentat contre un magasin d’alimentation casher en 2012. La mosquée a également accueilli des conférenciers ayant tenu des propos de même nature. Par ailleurs, l’imam de la mosquée, professeur de mathématiques dans divers établissements publics d’enseignement, a fait l’objet d’une procédure disciplinaire ayant justifié sa suspension, pour manquement à son devoir de réserve, au principe de neutralité et pour propos publics incompatibles avec les valeurs de la République.

Eu égard à ces éléments, qui caractérisent l’existence de discours et de faits provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence ou les justifiant, et en dépit d’attestations de fidèles de la mosquée réfutant l’existence de prêches à caractère radical, le Président de la République a fait une exacte application des dispositions du 6° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure en prononçant sa dissolution, sans incidence sur ce point étant la circonstance que cette dernière n’a pas été poursuivie dans le cadre de la procédure judiciaire engagée à l’encontre des membres de la cellule terroriste fréquentant la mosquée et qu’elle aurait, avant sa dissolution, entretenu de bonnes relations avec les collectivités locales.

1. Rappr., s’agissant d’une dissolution prononcée sur le fondement du 7° de l’art. L. 212-1 du CSI, décision du même jour, Association « Fraternité Musulmane Sanâbil » (Les Epis), n° 407220.

 

Texte intégral
Conseil d’État

N° 412312
ECLI:FR:CECHR:2018:412312.20180126
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10e – 9e chambres réunies
Mme Marie Gautier-Melleray, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public

 

Lecture du vendredi 26 janvier 2018REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Rahma de Torcy Marne-la-Vallée demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 4 mai 2017 qui prononce sa dissolution ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761- 1 du code de justice administrative.

 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de la sécurité intérieure ;
– le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

 

 

Considérant ce qui suit :

1. L’association Rahma de Torcy Marne-la-Vallée demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret du Président de la République, du 4 mai 2017 prononçant sa dissolution sur le fondement des dispositions des 6° et 7° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.

2. Aux termes de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure :  » Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : / ( …) 6° ( …) qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; / 7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger. (…) ».

3. Il ressort des termes du décret du 4 mai 2017 attaqué que, pour prononcer la dissolution contestée, le Président de la République s’est fondé sur le fait que l’association Rahma de Torcy, en lien étroit avec la mosquée du même nom, promouvait un islam radical, propageait des discours haineux et violents, légitimait le djihad armé et avait ainsi le caractère d’un groupement provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes en raison de leur non-appartenance à une religion au sens du 6° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure et pouvait être regardée comme se livrant sur le territoire français à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger au sens du 7° de cet article.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la  » note blanche  » versée au débat contradictoire, que l’association Rahma de Torcy Marne-la Vallée assure la gestion de la mosquée  » Rahma  » située sur le territoire de la commune de Torcy, que son président, M. B…, est l’imam de cette mosquée et que son suppléant, M. A…, est membre du conseil d’administration de l’association. Il ressort des éléments précis et circonstanciés figurant dans la note blanche versée au débat contradictoire ainsi que, dans une moindre mesure, des transcriptions de prêches fournis en défense par l’association requérante, que l’iman et son adjoint prêchaient au sein de la mosquée, avant la fermeture de celle-ci par un arrêté préfectoral en date du 10 avril 2017, un islamisme radical, marqué par une forte hostilité à l’égard des chrétiens, des juifs et des chiites, prônant un rejet des valeurs et de certaines lois de la République. Ils affichaient dans ces prêches leur soutien au djihad armé et à certains membres de la cellule terroriste dite de Cannes-Torcy ayant fréquenté régulièrement la mosquée, poursuivis pour avoir perpétré un attentat contre un magasin d’alimentation casher à Sarcelles le 19 septembre 2012. La mosquée a également accueilli des conférenciers ayant tenu des propos de même nature. Par ailleurs, M. B…, professeur de mathématiques dans divers établissements publics d’enseignement, a fait l’objet d’une procédure disciplinaire ayant justifié sa suspension, pour manquement à son devoir de réserve, au principe de neutralité et pour propos publics incompatibles avec les valeurs de la République.

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d’erreur de fait doit être écarté. Eu égard aux éléments rappelés au point précédent, qui caractérisent l’existence de discours et de faits provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence ou les justifiant, et en dépit d’attestations de fidèles de la mosquée réfutant l’existence de prêches à caractère radical produites par l’association requérante, le Président de la République a fait une exacte application des dispositions du 6° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure en prononçant la dissolution contestée, sans incidence sur ce point étant la circonstance que l’association requérante n’a pas été poursuivie dans le cadre de la procédure judiciaire engagée à l’encontre des membres de la cellule terroriste dite de Cannes-Torcy et qu’elle aurait, avant sa dissolution, entretenu de bonnes relations avec les collectivités locales.

6. Dès lors qu’il résulte de l’instruction que le Président de la République aurait pris la même décision s’il n’avait retenu que ce premier motif, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure doit être écarté, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la légalité du second motif de la dissolution fondé sur le 7° de cet article.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l’association requérante n’est pas fondée à demander l’annulation du décret du 4 mai 2017. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

 

D E C I D E :
————–

Article 1er : La requête de l’association Rahma de Torcy Marne-la-Vallée est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’association Rahma de Torcy Marne-la-Vallée, au Premier ministre et au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur.