Le juge de l’impôt ne peut exiger du contribuable qu’il justifie de ce que l’architecture d’ensemble mise en place était la seule possible pour atteindre l’objectif économique poursuivi pour écarter l’existence d’un abus de droit.

19-01-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D’ÉTABLISSEMENT DE L’IMPÔT. ABUS DE DROIT ET FRAUDE À LA LOI. – ABUS DE DROIT ART. L. 64 DU LPF – POURSUITE D’UN BUT EXCLUSIVEMENT FISCAL – NOTION – EXIGENCE QUE LE CONTRIBUABLE JUSTIFIE QUE LES ACTES PASSÉS ÉTAIENT NÉCESSAIRES POUR ATTEINDRE L’OBJECTIF ÉCONOMIQUE POURSUIVI – ABSENCE. 19-01-03-03 Le juge de l’impôt ne peut exiger du contribuable qu’il justifie de ce que l’architecture d’ensemble mise en place était la seule possible pour atteindre l’objectif économique poursuivi pour écarter l’existence d’un abus de droit. 19-04-02-08…

CE, 10-9 chr, 19 juin 2020, n° 418452, Lebon T

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La cession de titres apportés par un contribuable à une société qu’il contrôle, s’insérant dans une série d’opérations lui ayant permis d’entrer artificiellement dans les prévisions de l’article 150-0-B du CGI est un abus de droit.

CE, 10-9 chr, 12 févr. 2020, n° 421444, Lebon

Conclusions du Rapporteur Public sur 423020

Le comité de l’abus de droit fiscal, qui est seulement saisi pour avis sur l’existence d’un abus de droit, n’a pas à se prononcer sur la catégorie d’imposition des sommes en litige. Il s’ensuit que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’avis rendu par le comité de l’abus de droit fiscal n’était pas irrégulier au motif qu’il se bornait à confirmer le bien-fondé de la mise en œuvre, par l’administration fiscale, de la procédure de répression des abus de droit prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF).

Il ressort de l’article 150-0 B du code général des impôts (CGI), éclairé par les travaux préparatoires de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de laquelle il est issu, que le législateur a, en l’adoptant, entendu faciliter les opérations de restructuration d’entreprises, en vue de favoriser la création et le développement de celles-ci, par l’octroi automatique d’un sursis d’imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations qui ne dégagent pas de liquidités.

Lorsque l’administration entend remettre en cause les conséquences fiscales d’une opération qui s’est traduite par un sursis d’imposition au motif que les actes passés par le contribuable ne lui sont pas opposables, elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l’article L. 64 du LPF. En effet, une telle opération, dont l’intérêt fiscal est de différer l’imposition, entre dans le champ d’application de cet article dès lors qu’elle a nécessairement pour effet de minorer l’assiette de l’année au titre de laquelle l’impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable.

Dirigeant du groupe Wendel ayant constitué, avec d’autres cadres dirigeants, la société CDA, laquelle, après avoir acquis le 3 avril 2007 une société détenue par la société Wendel Investissement, a, par assemblée générale du 3 mai 2007, autorisé ses associés à apporter leurs titres dans des sociétés civiles dont ils détenaient les parts et décidé une réduction de capital non motivée par des pertes par voie de rachat de ses titres. Rachat, le 29 mai 2007, des titres de la société CDA apportés par l’intéressé le 3 mai 2007 à une société civile, pour un prix identique à leur valeur d’apport, en échange de titres de la société Wendel Investissement et, accessoirement, de parts de Sicav monétaire.

Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la succession de ces opérations – notamment l’intervention presque simultanée de l’apport des titres CDA par l’intéressé à la société civile qu’il avait créée et qu’il contrôlait avec son épouse, dont la gestion patrimoniale de titres était le seul objet et qui avait opté pour l’imposition à l’impôt sur les sociétés, et du rachat par la société CDA de ses propres titres – a permis aux requérants d’entrer artificiellement dans les prévisions de l’article 150-0-B du CGI en évitant l’imposition à laquelle ils auraient été soumis si la société CDA leur avait directement racheté leurs titres et que l’interposition de la société civile et l’apport des titres de la société CDA à cette société doivent être regardés comme ayant poursuivi un but exclusivement fiscal et comme nécessairement contraires à l’objectif poursuivi par le législateur. Dans ces conditions, alors même que les requérants soutiennent qu’ils n’ont reçu aucune liquidité et qu’aucun désinvestissement n’a eu lieu, la cour administrative d’appel n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en retenant l’existence d’un abus de droit.

Cf., CE, 27 juillet 2012, M. et Mme Berjot, n° 327295, T. pp. 685-710.

Rappr., s’agissant d’opérations qualifiées de montages artificiels, CE, 18 mai 2005, Min. c/ Société Sagal, n° 267087, p. 203 ; CE, 29 décembre 2006, Min. c/ Société Bank of Scotland, n° 283314, p. 578 ; CE, Plénière, 25 octobre 2017, M. Verdannet et autres, n° 396954, p. 321.

Rappr., s’agissant de gains de levée d’options d’achat d’actions, CE, 26 septembre 2014, M. et Mme Gaillochet, n° 365573, T. p. 643 ; s’agissant de gains réalisés dans le cadre d’une convention de partage de plus-value, CE, 15 février 2019, M. et Mme Lefevre, n° 408867, à mentionner aux Tables.

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Font un abus de droit les contribuables transférant à la société civile immobilière (SCI) dont ils détenaient avec leurs enfants la totalité des parts, la propriété de leur maison et concluant avec cette société un bail locatif et imputant sur leur revenu global des charges liées aux travaux engagés dans cette maison.

CE, 9e – 10e ch. réunies, 8 févr. 2019, n° 407641. Lebon T

Il résulte de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF) dans sa rédaction applicable que, lorsque l’administration use de la faculté qu’il lui confère dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu’elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

Cour jugeant apportée par l’administration la preuve de ce que les contribuables n’avaient pu être inspirés, dans l’opération litigieuse, par aucun autre motif que celui d’atténuer les charges fiscales qu’ils auraient normalement dû supporter en vertu du II de l’article 15 du code général des impôts (CGI). En en déduisant directement que l’abus de droit était caractérisé, sans rechercher, alors qu’elle n’avait pas regardé ces opérations comme procédant d’un montage artificiel, si était en outre remplie la condition de la recherche du bénéfice d’une application littérale de ces dispositions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, qu’elle a omis de déterminer, une cour entache son arrêt d’erreur de droit et d’insuffisance de motivation.

Contribuables transférant à la société civile immobilière (SCI) dont ils détenaient avec leurs enfants la totalité des parts, la propriété de leur maison et concluant avec cette société un bail locatif. Contribuables créant ce faisant les conditions leur permettant d’imputer sur leur revenu global, en dépit des prévisions du II de l’article 15 du CGI et à hauteur de leurs droits dans la société, des charges liées aux travaux engagés dans cette maison. Compte tenu des circonstances, et alors même que la SCI avait été créée plusieurs années auparavant et exploitait par ailleurs un important patrimoine immobilier, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve que l’interposition de la société dans la gestion de la maison répondait à un motif exclusivement fiscal, les considérations relatives à la transmission du patrimoine avancées par les contribuables étant dépourvues de toute consistance.

Il ressort des travaux préparatoires de l’article 11 de la loi n° 64-1279 du 23 décembre 1964 d’où sont issues les dispositions du II de l’article 15 du CGI que l’objectif poursuivi par le législateur était, d’une part, de simplifier le régime fiscal des propriétaires occupants compte tenu des difficultés qui s’attachent à l’évaluation des loyers implicites qu’ils se versent à eux-mêmes et, d’autre part, de faire obstacle à la déduction du revenu imposable de déficits fonciers susceptibles, dans cette hypothèse, de résulter de la surévaluation des charges et de la sous-évaluation des revenus. Contribuables ayant entendu bénéficier d’une application littérale de la condition de réserve de jouissance, énoncée au II de l’article 15 du CGI, qu’ils ont estimée n’être pas remplie du fait de l’interposition de la SCI. Contribuables ayant ainsi disposé du bien comme s’ils en étaient les propriétaires occupants et s’étant de la sorte placés dans une situation offrant les possibilités de sous-estimation des résultats fonciers que le législateur a entendu combattre. Application littérale allant dès lors à l’encontre des objectifs poursuivis par les auteurs des dispositions du II de l’article 15 du CGI. Caractérisation d’un abus de droit.

Cf. CE, 28 février 2007, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Mme Persicot, n° 284565, p. 107.

Cf. CE, 19 juillet 2017, Société Ingram Micro, n° 408227, inédite au Recueil.

Cf. CE, 10 novembre 1993, Gianoli, n° 62445, p. 315.

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Commet un abus de droit la réalisation par une société de deux opérations concomitantes d’un montant proche, l’une de distribution exceptionnelle de dividendes au profit de son nouvel actionnaire, l’autre d’émission d’obligations remboursables en actions auxquelles a souscrit ce même actionnaire, en l’absence de but autre que fiscal

CE, 9e – 10e ch. réunies, 3 déc. 2018, n° 406617, Lebon T.

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