Vu la procédure suivante :
M. et Mme A… B… ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1722919 du 5 novembre 2019, ce tribunal, après avoir constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer à concurrence d’un dégrèvement intervenu en cours d’instance, a rejeté le surplus de leurs demandes.
Par un arrêt n° 19LY04813 du 10 novembre 2021, la cour administrative d’appel de Lyon a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme B… ont été assujettis au titres des années 2013 et 2014 à hauteur ce qu’implique la requalification en traitements et salaires de 25 000 euros qu’ils ont reçus au cours de la première de ces années et 20 000 euros au cours de la seconde et de la totalité des contributions sociales se rapportant à ces sommes, ainsi que des pénalités correspondantes, a réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu’il avait de contraire et a rejeté le surplus de l’appel formé par M. et Mme B… contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 6 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande au Conseil d’État :
1°) d’annuler les articles 1er, 2 et 3 de cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l’appel formé par M. et Mme B….
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,
– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société B… a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration a notamment remis en cause la déduction de ses résultats imposables à l’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 de charges, enregistrées dans un compte numéroté 62511 et intitulé » frais de déplacement salariés « , correspondant à des indemnités kilométriques versées au profit de M. B…, associé et gérant de cette société au motif que ces charges n’étaient pas assorties de justificatifs. A l’issue d’une procédure contradictoire distincte, M. et Mme B… ont été assujettis, au titre des années 2013 et 2014, à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales procédant de l’inclusion dans leur revenu imposable de ces mêmes sommes, regardées par l’administration comme des revenus distribués taxables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts. Après avoir vainement réclamé contre ces impositions supplémentaires, M. et Mme B… en ont demandé la décharge au tribunal administratif de Lyon. Par un jugement du 5 novembre 2019, ce tribunal a rejeté leur demande. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 10 novembre 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a accordé à M. et Mme B… la réduction des impositions en litige, à concurrence de la taxation des sommes en cause à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitement et salaires et de la décharge des contributions sociales correspondantes.
2. Aux termes de l’article 62 du code général des impôts : » Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l’impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s’ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l’impôt sur les sociétés par application de l’article 211, même si les résultats de l’exercice social sont déficitaires, lorsqu’ils sont alloués : / Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (…) « . Aux termes de l’article 39 du même code : » 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d’œuvre, le loyer des immeubles dont l’entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l’importance du service rendu. Cette disposition s’applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (…) « . Aux termes de l’article 111 du même code : » Sont notamment considérés comme des revenus distribués : (…) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / d. La fraction des rémunérations qui n’est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l’article 39 (…) « .
3. Il résulte de ces dispositions que les remboursements de frais de déplacements perçus par un gérant majoritaire de société à responsabilité limitée constituent, en principe, même en l’absence de justificatifs, un élément de sa rémunération imposable, en application de l’article 62 du code général des impôts, dans la catégorie des rémunérations allouées aux gérants majoritaires de société à responsabilité limitée, sauf si l’administration établit que les sommes correspondantes n’ont pas fait l’objet d’une comptabilisation explicite en tant que remboursements octroyés au personnel ou que leur montant, ajouté aux autres éléments de la rémunération, a pour effet de porter le total de celle-ci à un niveau excessif. Dans chacun de ces deux derniers cas, ces sommes sont imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement, respectivement, des c et d de l’article 111 du même code.
4. Devant la cour administrative d’appel, le ministre de l’économie, des finances et de la relance concluait à ce que l’imposition des remboursements de frais non justifiés en litige soit maintenue dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en sollicitant une substitution, comme fondement légal de ces impositions, des dispositions du c de l’article 111 du code général des impôts à celles, initialement mises en œuvre, du 2° du 1 de l’article 109 du même code. A titre subsidiaire, le ministre sollicitait la mise en œuvre des dispositions de l’article 62 du code général des impôts, substitution de base légale à laquelle la cour a fait droit.
5. La cour administrative d’appel, après avoir relevé par une appréciation souveraine des faits non entachée de dénaturation que les remboursements de frais litigieux avaient été explicitement comptabilisés comme tels dans la comptabilité de la société B… et qu’ils n’avaient pas pour effet de porter la rémunération de M. B… à un niveau excessif, a pu sans erreur de droit en déduire que les sommes en cause étaient imposables entre ses mains sur le fondement des dispositions de l’article 62 du code général des impôts.
6. De tels remboursements ne constituant pas des avantages en nature au sens des dispositions de l’article 54 bis du code général des impôts, le ministre n’est pas fondé à soutenir que la cour administrative d’appel aurait méconnu à cet égard ces dispositions en écartant la demande de substitution de base légale qu’il formait à titre principal alors que les obligations de comptabilisation qu’elles prévoient en cas d’octroi d’avantages en nature n’avaient pas été respectées. Etait également sans incidence à cet égard la circonstance, invoquée par le ministre au soutien de son pourvoi, que la société B… aurait, dans le relevé de frais généraux mentionné à l’article 54 quater du code général des impôts, mentionné les sommes en litige sous une dénomination ne correspondant pas à leur nature réelle, cette circonstance étant seulement de nature à faire obstacle, en vertu du 5 de l’article 39 du même code, à ce que les sommes en question fussent regardées comme des charges déductibles pour l’imposition de la société à l’impôt sur les sociétés et demeurant sans influence sur l’imposition personnelle de M. B… à l’impôt sur le revenu.
7. Il résulte de tout de ce qui précède que le ministre de l’économie, des finances et de la relance n’est pas fondé à demander l’annulation des articles de l’arrêt qu’il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l’économie, des finances et de la relance est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. et Mme A… B….
ECLI:FR:CECHR:2022:460201.20220920