Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 21/06/2022, 446421

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

La société Constructions générales du bâtiment (CGB) a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011, des rappels de taxe d’apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des rappels de participation des employeurs à l’effort de construction auxquels elle a été assujettie au titre de l’année 2010. Par un jugement n° 1603736 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT03294 du 10 septembre 2020, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel formé par la société CGB contre ce jugemen

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

La société Constructions générales du bâtiment (CGB) a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011, des rappels de taxe d’apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des rappels de participation des employeurs à l’effort de construction auxquels elle a été assujettie au titre de l’année 2010. Par un jugement n° 1603736 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT03294 du 10 septembre 2020, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel formé par la société CGB contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 novembre 2020, 12 février 2021 et 31 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société CGB demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Constructions générales du bâtiment (CGB) ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’après avoir fait l’objet, le 12 octobre 2010, de perquisitions et de saisies dans le cadre d’une enquête pénale portant notamment sur des infractions au code du travail, la société Constructions générales du bâtiment (CGB) a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au cours de l’année 2012, à l’occasion de laquelle le vérificateur a été autorisé par le procureur de la République, sur le fondement de l’article L. 82 C du livre des procédures fiscales, à consulter le dossier d’instruction. À l’issue des opérations de contrôle, l’administration fiscale a adressé à la société CGB une proposition de rectification en date du 20 décembre 2012, remettant en cause les déductions de taxe sur la valeur ajoutée afférentes aux factures de divers sous-traitants motif pris que ceux-ci n’étaient pas indépendants de la société donneuse d’ordre mais placés vis-à-vis d’elle dans une situation de subordination. Le service a, en outre, estimé que des salaires versés par la société CGB avaient été irrégulièrement comptabilisés en tant qu’indemnités de grand déplacement et elle l’a assujettie, dans cette mesure, à des rappels de taxe d’apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue au titre des années 2009 et 2010 ainsi qu’à des rappels de participation des employeurs à l’effort de construction au titre de l’année 2010. Par un jugement du 8 avril 2013 devenu définitif, le tribunal correctionnel de Rennes a constaté la nullité de l’ensemble des perquisitions et saisies effectuées le 12 octobre 2010. L’administration fiscale a tiré les conséquences de ce jugement en renonçant à la mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux prestations facturées par les sous-traitants de la société CGB qui étaient des personnes morales. Elle a en revanche maintenu les rappels de taxe sur la valeur ajoutée fondés sur la remise en cause des déductions de taxe afférentes aux prestations facturées par les entreprises individuelles de M. B… et de M. A…, ainsi que les impositions fondées sur la requalification en salaires des sommes comptabilisées en indemnités de grand déplacement. Par un jugement du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la société CGB tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions restant en litige. La société CGB se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 10 septembre 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté son appel formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l’article L. 81 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige :  » Le droit de communication permet aux agents de l’administration, pour l’établissement de l’assiette et le contrôle des impôts, d’avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées.  » Aux termes de l’article L. 82 C du même livre, dans sa rédaction applicable :  » A l’occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l’administration des finances.  »

3. Eu égard aux exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’administration fiscale ne saurait se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge. En revanche, l’administration fonde ou maintient légalement une imposition si celle-ci peut être justifiée par des éléments non compris dans le champ de la déclaration d’illégalité prononcée par le juge, dès lors que ces éléments ne découlent pas eux-mêmes de l’exploitation des pièces ou documents obtenus de façon irrégulière.

4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel de Nantes a écarté le moyen tiré par la société CGB de ce que la déclaration de nullité des opérations de perquisition réalisées dans le cadre de l’enquête pénale faisait obstacle au maintien des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ainsi que des rappels de taxes assises sur les salaires, au motif que les procès-verbaux d’audition de M. B… et M. A…, d’une part, et des comptables du cabinet Fiducial et de la comptable de la société CGB, d’autre part, justifiaient ces impositions et n’avaient pas été déclarés nuls par le jugement du tribunal correctionnel de Rennes du 8 avril 2013. En statuant ainsi, sans s’être assurée que les auditions en cause ne découlaient pas de l’exploitation des pièces et documents obtenus dans les conditions jugées illégales par le juge pénal, alors que la société CGB soutenait que ces auditions ne pouvaient être dissociées de l’examen des scellés déclarés nuls, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société CGB au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt du 10 septembre 2020 de la cour administrative d’appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Nantes.
Article 3 : L’Etat versera à la société Constructions générales du bâtiment (CGB) une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Constructions générales du bâtiment (CGB) ainsi qu’au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l’issue de la séance du 3 juin 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme Anne Egerszegi, M. Thomas Andrieu, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, conseillers d’Etat ; Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire et M. Olivier Guiard, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 21 juin 2022.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Guiard
La secrétaire :
Signé : Mme Laurence Chancerel

ECLI:FR:CECHR:2022:446421.20220621

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