Vu la procédure suivante :
Le conseil du dialogue social de la Nouvelle-Calédonie a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d’annuler pour excès de pouvoir la délibération-cadre n° 345 du congrès de la Nouvelle-Calédonie du 29 août 2018 relative à l’application de la délibération n° 114 du 24 mars 2016 relative au plan de santé calédonien » Do Kamo, Être épanoui ! » en matière d’organisation, de gouvernance, de pilotage et de régulation du système de protection sociale et de santé. Par un jugement n° 1800368 du 19 février 2019, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19PA01676 du 10 juillet 2020, la cour administrative d’appel de Paris a, sur appel du conseil du dialogue social, annulé ce jugement ainsi que la délibération-cadre attaquée.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 octobre 2020, 4 janvier 2021 et 19 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande du conseil du dialogue social ;
3°) de mettre à la charge du conseil du dialogue social la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la Constitution ;
– l’accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998 ;
– la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
– la loi n°99-210 du 19 mars 2019 ;
– -le code du travail de Nouvelle Calédonie ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d’Etat,
– les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la SCP Buk Lament – Robillot, avocat du conseil du dialogue social ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 29 août 2018, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté la délibération-cadre n° 345 relative à l’application de la délibération n° 114 du 24 mars 2016 relative au plan de sante´ calédonien » Do Kamo, Etre épanoui ! » en matière d’organisation, de gouvernance, de pilotage et de régulation du système de protection sociale et de sante´. Par un jugement du 19 février 2019 le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande du conseil du dialogue social de Nouvelle-Calédonie tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette délibération. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 10 juillet 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a annulé ce jugement ainsi que la délibération-cadre attaquée.
Sur le pourvoi :
2. D’une part, en application des stipulations du point 2.1.4. de l’accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998, dit » accord de Nouméa « , aux termes desquelles : » b) Un conseil économique et social représentera les principales institutions économiques et sociales de la Nouvelle-Calédonie. Il sera obligatoirement consulté sur les délibérations à caractère économique et social du Congrès (…) « , la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie a créé le conseil économique, social et environnemental de la Nouvelle-Calédonie, qui en vertu de l’article 153 comprend notamment des représentants des organisations professionnelles et des syndicats et qui, aux termes de l’article 155 : » (…) est consulté sur les projets et propositions de loi du pays et de délibération du congrès à caractère économique, social ou environnemental « . D’autre part, l’article Lp. 381-1 du code du travail de Nouvelle-Calédonie dispose que : » Le conseil du dialogue social comprend, en nombre égal, des représentants des organisations syndicales de salariés et des représentants des organisations syndicales d’employeurs, reconnues représentatives au niveau de la Nouvelle-Calédonie » et son article Lp. 381-3 que : » Le conseil du dialogue social est, en outre, chargé notamment :/,1° d’émettre un avis sur tous les textes concernant le travail, l’emploi, la formation professionnelle, la protection et la prévoyance sociale des salariés. Il peut également émettre un avis sur toute question relevant de ces mêmes domaines (…) « .
3. Il résulte de ces dispositions qu’eu égard notamment à la compétence générale que le conseil économique, social et environnemental de la Nouvelle-Calédonie, où siègent aussi des représentants des organisations professionnelles et des syndicats, tient de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, en application de l’accord de Nouméa, le conseil du dialogue social n’est également compétent pour émettre un avis que sur les textes ou leurs dispositions qui ont pour objet le travail, l’emploi, la formation professionnelle, la protection ou la prévoyance sociale applicables aux seuls salariés. Il s’ensuit qu’en jugeant que le conseil du dialogue social aurait dû être consulté sur le projet de délibération-cadre n°345 du 29 aout 2018 mentionné au point 1, alors que ce texte fixe les orientations d’une réforme globale de la protection sociale sans comporter de dispositions spécifiques aux seuls salariés, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est dès lors fondé à demander l’annulation de son arrêt, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-1 du code de justice administrative.
Sur la régularité du jugement :
5. D’une part, aux termes de l’article R. 611- 1 du code de justice administrative : » (…) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux « . D’autre part, aux termes de l’article 62 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : » Le congrès est l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie « . L’article 69 de la même loi organique prévoit que : » Le président du congrès intente les actions et défend devant les juridictions au nom du congrès « . Selon l’article 108 : » L’exécutif de la Nouvelle-Calédonie est le gouvernement. Il est élu par le congrès et responsable devant lui (…) « . En vertu de l’article 134 : » Le président du gouvernement représente la Nouvelle-Calédonie. / En vertu d’une délibération du gouvernement, il intente les actions et défend devant les juridictions, au nom de la Nouvelle-Calédonie, sous réserve des dispositions de l’article 69 (…) « .
6. Il résulte de ces dispositions que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a qualité pour défendre, au nom de la Nouvelle-Calédonie, devant les juridictions dans les instances mettant en cause la légalité des délibérations adoptées par le congrès. Le conseil du dialogue social ne saurait dès lors, en tout état de cause, se prévaloir de ce que sa requête lui aurait été, à tort, communiquée par le greffe du tribunal administratif.
Sur le bien-fondé du jugement :
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que dès lors que la délibération-cadre du 29 août 2018, dont l’objet est de décliner le volet consacré à la gouvernance du premier plan de santé publique calédonien adopté pour la période 2018-2028, ne s’applique pas exclusivement aux salariés, ni dans son ensemble, ni au travers de certaines de ses dispositions, la consultation préalable du conseil du dialogue social prévue par l’article Lp. 381-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie, cité au point 2, ne revêtait pas de caractère obligatoire. Le moyen tiré de ce que cette délibération-cadre serait entachée d’illégalité faute d’avoir été soumise à son examen ne peut donc qu’être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que le conseil du dialogue social n’est pas fondé à demander l’annulation de la délibération-cadre n° 345 relative à l’application de la délibération n° 114 du 24 mars 2016 relative au plan de sante´ calédonien » Do Kamo, Etre épanoui ! » en matière d’organisation, de gouvernance, de pilotage et de régulation du système de protection sociale et de sante´. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la Nouvelle-Calédonie en défense. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du conseil du dialogue social la somme de 3 500 euros que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt du 10 juillet 2020 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.
Article 2 : La requête du conseil du dialogue social de Nouvelle-Calédonie est rejetée.
Article 3 : Le conseil du dialogue social versera la somme de 3 500 euros au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, au président du congrès de la Nouvelle-Calédonie et au conseil du dialogue social de Nouvelle-Calédonie.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
ECLI:FR:CECHR:2022:445320.20220422