Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 14/04/2022, 454265, Inédit au recueil Lebon

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

M. et Mme C… et I… H… ont demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2011. Par un jugement n° 1701970 du 7 février 2019, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 19BX01263 du 4 mai 2021, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel formé par M. et Mme H… contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 juillet 2021, 5 octobre 2021 et 31 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. et Mme H… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

M. et Mme C… et I… H… ont demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2011. Par un jugement n° 1701970 du 7 février 2019, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 19BX01263 du 4 mai 2021, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel formé par M. et Mme H… contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 juillet 2021, 5 octobre 2021 et 31 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. et Mme H… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de M. et Mme H… ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. H… et son fils mineur, rattaché au foyer fiscal de ses parents, sont associés de la société civile Océane qui exerce une activité de gestion d’un portefeuille mobilier constitué pour l’essentiel de contrats de capitalisations souscrits auprès de compagnies d’assurance et est soumise au régime fiscal des sociétés de personnes. La société Océane a procédé au rachat d’un contrat de capitalisation en 2011. Par une résolution de l’assemblée générale ordinaire annuelle de la société du 28 juin 2012, les comptes de la société Océane ont été approuvés au 31 décembre 2011 et les bénéfices de cette société, arrêtés conformément à l’article 18 de ses statuts, c’est-à-dire en fonction de la variation de l’actif net de la société entre l’ouverture et la clôture de l’exercice en tenant compte de la valeur réelle des éléments le composant, ont été répartis par inscription sur le compte courant de chaque associé, au prorata de ses droits sociaux. Par une proposition de rectification du 29 novembre 2013, l’administration a réintégré les sommes correspondant à ces bénéfices, au prorata de leurs droits sociaux, dans les revenus imposables des associés puis a, en conséquence, mis à la charge de M. et Mme H…, au titre de l’année 2011, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Le 2 août 2017, l’administration fiscale a rejeté la réclamation contentieuse par laquelle M. et Mme H… ont contesté l’ensemble de ces impositions supplémentaires tout en leur accordant un dégrèvement partiel. Par jugement du 7 février 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande M. et Mme H… tendant à la décharge des impositions supplémentaires restant à leur charge. M. et Mme H… se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 4 mai 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel qu’ils avaient formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l’article 8 du code général des impôts :  » Sous réserve des dispositions de l’article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n’ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (…) / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l’une des formes de sociétés visées au 1 de l’article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l’article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (…) « . Il résulte de ces dispositions que les bénéfices réalisés par une société civile qui n’a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux sont soumis à l’impôt sur le revenu entre les mains des associés, qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé une part de ces bénéfices. La quote-part du bénéfice d’une telle société doit être regardée comme ayant été, dès que ce bénéfice a été constaté au niveau de la société, acquise par l’associé, sans qu’il y ait lieu de rechercher si celui-ci a ou non perçu les sommes correspondantes.

3. Aux termes du I de l’article 238 bis K du même code :  » Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8, 239 quater, 239 quater B ou 239 quater C sont inscrits à l’actif d’une personne morale passible de l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d’une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l’impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l’entreprise qui détient ces droits (…) / II. Dans tous les autres cas, la part de bénéfice ainsi que les profits résultant de la cession des droits sociaux sont déterminés et imposés en tenant compte de la nature de l’activité et du montant des recettes de la société ou du groupement « .

4. Aux termes de l’article 125-0 A du même code, dans sa version applicable au litige :  » I. – 1° Les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation ainsi qu’aux placements de même nature souscrits auprès d’entreprises d’assurance établies en France sont, lors du dénouement du contrat, soumis à l’impôt sur le revenu (…) Les produits en cause sont constitués par la différence entre les sommes remboursées au bénéficiaire et le montant des primes versées (…) III. Le prélèvement est établi, liquidé et recouvré sous les mêmes garanties et sanctions que celui mentionné à l’article 125 A (…) « .

5. Après avoir relevé que les comptes de la société Océane avaient été approuvés au 31 décembre 2011 et que les bénéfices de la société, arrêtés conformément à l’article 18 de ses statuts, avaient été répartis entre les associés par inscription au crédit de leur compte courant au prorata de leurs droits sociaux, la cour administrative d’appel a jugé que les bénéfices ainsi déterminés, y compris la part de gains latents qu’ils comportaient du fait de ce mode de calcul statutaire dès lors que la répartition avait fait disparaître ce caractère latent, devaient être inclus, à concurrence de la quote-part de chaque associé, dans ses revenus imposables au titre de l’année en cause. En statuant ainsi, alors que la société Océane n’avait pas opté pour son assujettissement à l’impôt sur les sociétés et que l’ensemble de ses associés relevaient du II de l’article 238 bis K du code général des impôts, de sorte que ces derniers étaient soumis à l’impôt sur le revenu à concurrence de leur quote-part des bénéfices de la société déterminés en application des dispositions de l’article 125-0 A du code général des impôts, indépendamment de la répartition de ces bénéfices et sans qu’aient d’incidence à cet égard les modalités de calcul du résultat que la société était statutairement tenue de déterminer à seule fin d’information de ces mêmes associés, la cour a commis une erreur de droit. M. et Mme H… sont, par suite, fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent.

6. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte de l’instruction que, compte tenu du dégrèvement prononcé par l’administration préalablement à la saisine du tribunal administratif par les contribuables en vue de tenir compte de ce qu’avait été soumise à l’impôt entre leurs mains la quote-part de M. H… et de son fils mineur dans les gains de rachats de contrats de capitalisation perçus par la société au cours de l’année 2011, ne sont en litige que les impositions supplémentaires procédant de la taxation de la différence entre la quote-part des intéressés dans les bénéfices de la société Océane arrêtés en application de l’article 18 de ses statuts et leur quote-part des revenus de cette société déterminés en application des dispositions de l’article 125-0 A du code général des impôts. Il résulte, par suite, de ce qui a été dit au point 5 que M. et Mme H… sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement qu’ils attaquent, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

8. Il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme H… au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt du 4 mai 2021 de la cour administrative d’appel de Bordeaux et le jugement du 7 février 2019 du tribunal administratif de Pau sont annulés.
Article 2 : M. et Mme H… sont déchargés des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2011.
Article 3 : L’Etat versera à M. et Mme H… une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme C… et I… H… et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l’issue de la séance du 4 avril 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. L… D…, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. J… N…, M. E… M…, M. K… G…, M. B… O…, M. Jonathan Bosredon, conseillers d’Etat et M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 14 avril 2022.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Lapierre
La secrétaire :
Signé : Mme A… F…

ECLI:FR:CECHR:2022:454265.20220414

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