Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 11/02/2022, 446801

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Efilog a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les métaux précieux et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2012 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1508272 du 8 mars 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT01862 du 24 septembre 2020, la cour administrative d’appel de Nantes a, sur appel de la société Efilog, annulé ce jugement et prononcé la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 2020 et 19 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’écon

Texte Intégral :
Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Efilog a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les métaux précieux et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2012 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1508272 du 8 mars 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT01862 du 24 septembre 2020, la cour administrative d’appel de Nantes a, sur appel de la société Efilog, annulé ce jugement et prononcé la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 2020 et 19 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

– les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Efilog ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Efilog, qui exerce une activité de prestataire de services logistiques dans le domaine du commerce en ligne, a conclu un contrat avec la société britannique Sigma Response Trading LP, qui exerce une activité de commerce d’or et de métaux précieux. Dans le cadre de ce contrat, la société Efilog devait intervenir dans les opérations d’achat d’or et de métaux précieux réalisées par la société britannique auprès de clients français. A l’issue d’une vérification de comptabilité diligentée à l’encontre de la société Efilog, l’administration fiscale a estimé que celle-ci exerçait, en exécution de ce contrat, une activité d’intermédiaire dans des opérations de cession d’or et de métaux précieux. En conséquence, l’administration l’a assujettie à des rappels de taxe forfaitaire sur les objets et métaux précieux et de contribution au remboursement de la dette sociale au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2012, assortis de l’amende prévue au 2 de l’article 1761 du code général des impôts. Après avoir vainement réclamé contre ces impositions et pénalités, la société Efilog a formé une demande en décharge devant le tribunal administratif de Nantes, qui l’a rejetée par un jugement du 8 mars 2018. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 24 septembre 2020 par lequel la cour administrative de Nantes a fait droit à l’appel de la société Efilog contre ce jugement.

2. Aux termes du I de l’article 150 VK du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, la taxe forfaitaire sur les cessions à titre onéreux de métaux précieux, de bijoux, d’objets d’art, de collection ou d’antiquité prévue à l’article 150 VI du même code  » est supportée par le vendeur ou l’exportateur. Elle est due par l’intermédiaire domicilié fiscalement en France participant à la transaction et sous sa responsabilité ou, à défaut, par le vendeur ou l’exportateur « . Son II dispose que la taxe est égale à 7,5 % du prix de cession ou de la valeur en douane des métaux précieux et à 4,5 % du prix de cession ou de la valeur en douane des bijoux et objets d’art, de collection ou d’antiquité. L’article 150 VM du même code précise que lorsque la cession est réalisée avec la participation d’un intermédiaire fiscalement domicilié en France, cet intermédiaire dépose une déclaration conforme à un modèle établi par l’administration retraçant les éléments servant à la liquidation de la taxe. Aux termes de l’article 74 S quinquies de l’annexe II à ce même code, pris pour l’application de l’article 150 VK :  » l’intermédiaire s’entend de toute personne domiciliée fiscalement en France participant à la transaction qui agit au nom et pour le compte du vendeur ou de l’acquéreur, ou qui fait l’acquisition du bien en son nom concomitamment à sa revente à un acquéreur final « . En vertu du 2 de l’article 1761 de ce code, les infractions aux articles 150 VI à 150 VM entraînent l’application d’une amende égale à 25 % du montant des droits éludés.

3. Il ressort des constatations faites par la cour dans l’arrêt attaqué que lorsque des particuliers français souhaitant céder des métaux précieux prenaient contact à cette fin avec la société Sigma Response Trading LP, la société Efilog leur adressait, en exécution du contrat signé entre ces deux sociétés, un kit personnalisé destiné à contenir les objets en cause, que les particuliers retournaient ensuite à la société Efilog qui, après enregistrement et reconditionnement, envoyait les métaux précieux à un laboratoire situé au Royaume-Uni pour expertise et estimation. La société Sigma Response Trading LP fixait alors le prix d’acquisition proposé et préparait des courriers à destination des vendeurs ayant choisi le paiement par virement et des chèques pour ceux ayant choisi ce mode de paiement, les envois étant effectués par une société comptable intervenant pour le compte de la société britannique. En cas de refus du prix proposé, le chèque était renvoyé par le vendeur particulier à la société Efilog qui le renvoyait à la société britannique, laquelle retournait directement la marchandise au premier. La cour a également relevé que la société Efilog ne procédait à aucune recherche de clients ou de mise en relation entre la société Sigma Response Trading LP et des clients potentiels et qu’elle n’intervenait ni sur l’objet, ni sur le prix de la transaction, son activité étant limitée à la réception et à la transmission des kits, à la réception des chèques retournés par les clients et, en cas de perte ou de dommage, à la réception des demandes d’indemnisation.

4. En déduisant de ces constatations relatives aux conditions d’exercice de l’activité de la société, exemptes de toute dénaturation, que si la société Efilog avait une activité d’entremise et était le relais en France de la société Sigma Response Trading LP, elle n’agissait pas au nom et pour le compte de la société Sigma Response Trading LP, de sorte que, nonobstant son intervention auprès des clients français lors de ces transactions, elle ne pouvait être regardée comme un intermédiaire au sens des dispositions combinées des articles 150 VK du code général des impôts et 74 S quinquies de son annexe II, la cour administrative d’appel de Nantes n’a ni commis d’erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

5. Il s’ensuit, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la demande de la société Efilog tendant à ce que le Conseil d’Etat annule l’ordonnance du 16 janvier 2020 par laquelle le président de la première chambre de la cour administrative d’appel de Nantes a refusé de lui transmettre la question de la conformité de l’article 150 VK du code général des impôts aux droits et libertés garantis par la Constitution, que le ministre de l’économie, des finances et de la relance n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Efilog au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi du ministre de l’économie, des finances et de la relance est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera à la société Efilog une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’économie, des finances et de relance et à la société à responsabilité limitée Efilog.
Délibéré à l’issue de la séance du 28 janvier 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. I… C…, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. G… K…, M. D… J…, M. H… F…, M. A… L…, Mme Françoise Tomé, conseillers d’Etat et M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur-rapporteur.

Rendu le 11 février 2022.

La présidente:
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur
Signé : M. Charles-Emmanuel Airy
La secrétaire:
Signé : Mme B… E…

ECLI:FR:CECHR:2022:446801.20220211

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