Vu la procédure suivante :
M. E… A… et Mme K… D… ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, à hauteur de 50 298 euros et 26 022 euros.
Par une ordonnance du 25 février 2018, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a attribué le jugement de cette affaire au tribunal administratif de Montreuil en application de l’article R. 351-8 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1746014 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 18VE03539 du 31 août 2020, la cour administrative d’appel de Versailles a, sur appel de M. A… et Mme D…, annulé ce jugement et les a déchargés des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre des deux années en litige.
Par un pourvoi, enregistré le 12 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de M. A… et de Mme D….
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d’Etat,
– les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A… et Mme D… ont bénéficié, sur le fondement de l’article 199 undecies C du code général des impôts, d’une réduction d’impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013 à raison d’investissements réalisés en Guyane par l’intermédiaire de la SAS Saint-Maurice III dont ils sont associés. L’administration fiscale a remis en cause cet avantage fiscal au motif que la société ne bénéficiait plus de l’agrément prévu à l’article 217 undecies du code précité, à la suite du retrait de ce dernier par une décision du 12 novembre 2015. Par un jugement du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. A… et de Mme D… tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu mises à leur charge. Par un arrêt du 31 août 2020, la cour administrative d’appel de Versailles a annulé ce jugement et prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles M. A… et Mme D… ont été assujettis au titre des deux années en litige. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande l’annulation de cet arrêt.
2. D’une part, aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : » L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. « . Aux termes de l’article R. 57-1 du même livre : » La proposition de rectification prévue par l’article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L’administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (…). « . Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base des redressements, ceux des motifs pour lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
3. D’autre part, en vertu de l’article 199 undecies C du code général des impôts les contribuables domiciliés en France peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu à raison de l’acquisition ou de la construction de logements neufs destinés au logement social dans les départements d’outre-mer lorsqu’un certain nombre de conditions sont remplies. Aux termes du IV de ce même article : » IV. La réduction d’impôt est acquise dans les mêmes conditions au titre des investissements réalisés par une société soumise de plein droit à l’impôt sur les sociétés dont les actions sont détenues intégralement et directement par des contribuables, personnes physiques, domiciliés en France au sens de l’article 4 B (…). En ce cas, la réduction d’impôt est pratiquée par les associés dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société. L’application de cette disposition est subordonnée au respect des conditions suivantes : / 1° Les investissements ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l’article 217 undecies ; (…) « . Aux termes de son V : » V.- La réduction d’impôt fait l’objet d’une reprise au titre de l’année au cours de laquelle : / 1° Les conditions mentionnées au I ou, le cas échéant, au IV ne sont pas respectées ; (…) « .
4. En jugeant que la proposition de rectification adressée à M. et Mme D… n’était pas suffisamment motivée au sens de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, au motif que cette proposition de rectification se bornait à faire état du retrait de l’agrément dont bénéficiait la SAS Saint-Maurice III et à indiquer, en termes généraux, les motifs de ce retrait sans annexer cette décision de retrait ou en reproduire de façon suffisamment précise les motifs, alors que le retrait de l’agrément auquel est subordonnée la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies C du code général des impôts entraîne, en vertu des dispositions du V de cet article, la reprise de la réduction d’impôt et que l’indication du retrait de l’agrément dont bénéficiait la SAS Saint-Maurice III constituait dès lors, en lui-même, le motif justifiant le redressement envisagé, la cour administrative d’appel de Versailles a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt du 31 août 2020 de la cour administrative d’appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Versailles.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’économie, des finances et de la relance, à M. E… A… et à Mme K… D….
Délibéré à l’issue de la séance du 7 janvier 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. M… F…, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. J… O…, M. L… H…, M. G… N…, M. C… P…, Mme Françoise Tomé, conseillers d’Etat et Mme Cécile Isidoro, conseillère d’Etat-rapporteure.
Rendu le 3 février 2022.
La Présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Isidoro
La secrétaire :
Signé : Mme B… I…
ECLI:FR:CECHR:2022:445246.20220203